C'est déjà la troisième édition que Jérôme Nicod et Vincent Vanden Bogaard organisent ensemble dans ce lieu atypique à l'architecture moderniste qu'est 10N. Il y a toujours quelque chose d'excitant à réveiller une maison endormie : raviver, pour un temps, les mémoires du lieu qui impriment les murs. Franchir le portail d'un bâtiment réinvesti temporairement relève alors de l'aventure. Celle de deux jeunes artistes-curateurs qui se sont lancé le défi d'exposer la scène émergente en dehors des sentiers battus et des murs blancs des galeries. Une alternative d'autant plus nécessaire par ce mauvais temps de Covid qui laisse les jeunes artistes sur le bas-côté de la route, dans l'incertitude et sans visibilité.
Et à les entendre parler avec conviction de leur projet, on ne peut que s’enthousiasmer, à notre tour, de leur dévouement à le mettre en œuvre. Deux week-ends d'exposition à chaque fin de mois et ce jusqu'en juin, deux ou trois artistes qui se répondent dans un espace intimiste, une adresse presque tenue secrète (un indice : c'est à Uccle), voilà une formule qui paraît bien fonctionner. En tout cas, les deux curateurs ne chôment pas. Le prochain chapitre, comme ils disent, est déjà prévu pour le 19 mars.
Pour l'exposition actuelle, deux peintres/dessinateurs et un sculpteur investissent la bâtisse du sol aux étagères. Le plafond sera pour la prochaine édition. Les œuvres exposées résonnent, peut-être sans le vouloir, avec la maison. Elles échafaudent et cristallisent des narrations : font-elles partie des murs ou viennent-elles coloniser l'intérieur ? Dans le salon, les dents de dragon d'Antonin Kremer (1989) ont l'air d'avoir poussé du sol pendant l'absence du propriétaire. Ces blocs de béton pyramidaux sont inspirés de dispositifs visant à empêcher la progression de véhicules en temps de guerre. Ils entravent d'ailleurs notre propre déplacement dans la salle et engagent le corps du spectateur dans un autre rapport avec les tableaux voisins. On retrouve au sol deux autres assemblages de l'artiste, qui conjuguent structure et tension en jouant avec l'équilibre des pièces.
Sur les murs, les deux artistes rebondissent chacun à leur tour sur l'exploration de leur médium. Vincent Chenut (1985) travaille les motifs géométriques et la surface papier, qu'il pèle et écorche, créant rythme et vibration. Julien Saudubray (1985) explore les limites et les possibles de la peinture en relation avec son support, au moyen d'un geste mécanique. Il multiplie les jeux de transparence et d’opacité, de saturation et de soustraction. C'est dans les petits formats que leur rencontre est la plus percutante, les motifs obsessionnels au pastel de l'un côtoient la rythmique géométrique de l'autre, dans une cadence équilibrée.
À ces trois hommes succéderont trois femmes. Ce sont Lucie Lanzini, Jot Fau et Veerle Melis qui reprendront le flambeau et on a déjà hâte de voir le résultat. Par souci de préservation du lieu, les visites se font sur rendez-vous uniquement et l'adresse sera communiquée aux chanceux qui auront pu réserver leur place. Dépêchez-vous donc, l'exposition se termine ce dimanche.
10N
Chapitre 3 : Closed Curtains
Antonin Kremer, Julien Saudubray, Vincent Chenut
Jusqu'au 28 février
Visite sur rdv : https://linktr.ee/10nbrussels
https://www.instagram.com/10n_brussels/
Journaliste
Formée à l’anthropologie à l’Université libre de Bruxelles, elle s’intéresse à l’humain. L’aborder via l’art alimente sa propre compréhension. Elle aime particulièrement écrire sur les convergences que ces deux disciplines peuvent entretenir.
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