Une trentaine d’artistes émaillent le parcours que propose la biennale ARTour 2019 dans la région du Centre. L’art contemporain s’y invite pour l’été dans des musées et des édifices remarquables. Des invitations à la découverte autour des mémoires numériques, de la migration et autour du temps qui passe et qui revient.
Pas simple de faire exister l’art contemporain en dehors des grands centres urbains. ARTour a choisi de mobiliser le public en regroupant sous sa bannière, une trentaine d’artistes dans plus d’une dizaine d’expositions et en suscitant une pollinisation croisée entre les amateurs de patrimoine et les amateurs d’art d’aujourd’hui. La biennale, qui en est à sa douzième édition, arpente la région du Centre, riche en musées et en sites patrimoniaux, et propose cette année un parcours qui s’étend de La Louvière à Soignies, en passant par Bois-du Luc, Mariemont, Carnières et Binche. La thématique générale D’un temps à l’autre est inspirée de la très belle exposition du Centre de la Gravure et de l’Image imprimée.
Une des propositions les plus fortes de cette édition est celle d’Alex Verhaest, accueillie par le Musée Royal de Mariemont. L’artiste bruxelloise combine sa fascination pour la peinture des primitifs flamands et une maîtrise subtile des outils et de la narration numérique. Temps mort / Idle Times nous plonge dans une réunion de famille plombée par le suicide du pater familias. L'œuvre, réalisée en image de synthèse avec un rendu et une mise en espace proche de la peinture flamande de la Renaissance, nous présente neuf personnages contemporains regroupés derrière une table de cuisine comme à une cène. Il faut un coup de téléphone d’un spectateur pour déclencher les monologues exprimant les non-dits et les ressentiments de chacun. Dans ce tableau numérique comme dans les cinq études de caractère qui l’introduisent, Alex Verhaest joue avec les codes picturaux du XVe siècle et avec notre perception. Les traits des personnages, subtilement déformés, distillent un malaise diffus renforcé par les étranges insectes qu’on voit voler ça et là au dessus des reliefs de nourriture. A Bois-du-Luc sur le site de l’Ecomusée, l’exposition Migr’actions rassemble des photos de Yves Salaün, Yannis Behrakis et Christian Fauconnier. Hamedine Kane est une jeune homme passé par la jungle de Calais. C’est aussi là qu’il est né artiste comme en témoigne la belle installation immersive sur l’errance.
Au centre du vieux bâtiment de brique, Maëlle Dufour dresse une tour de surveillance comme il en fleurit sur les frontières. Construite en bois blanc, elle a subi ce que la migration fait subir aux gens. On peut y grimper au sommet par un étroit escalier de guingois jusqu’à son haletante vidéo, Aucun droit moins qu’un chien. Avec ses cartes postales d’îles en péril couvertes d’une encre masquante qui s’efface avec la chaleur, Stéphanie Roland propose une belle métaphore d’une des causes des migrations futures. Dans un autre bâtiment, Jean-Philippe Tromme a planté son herbier de bronze où de frêles plantes de jardin sont figées dans le métal dans une ode à la vie et à la fragilité. Fils de mineur, Alexandre-Louis Martin est un peintre de Carnières qui s’est fait honorer d’un musée de son vivant. Portraitiste, il a dessiné et peint, dans la première moitié du XXe siècle, les notables des environs comme les gens du peuple dont il est toujours resté proche. Dans le petit musée au charme suranné, Emelyne Duval propose ses collages à l’esprit surréaliste à côté des toiles et dessins du peintre réaliste. À Binche, le duo franco-chinois, Benoît + Bo exposent leurs créations récentes en dialogue avec les collections du Musée International du Carnaval et du Masque. À Soignies enfin, dans la collégiale St-Vincent, trois artistes, Philippe Dubit, Etienne Colas et Pierre-Jean Foulon plongent dans le mythe de la communion du Saint Sang.
ARTour 2019
D’un temps à l’autre
Maison du Tourisme du Parc, des Canaux et Châteaux
21-22 place Jules Massart
La Louvière
Jusqu’au 8 septembre
www.artour.be
Un pass de 10 euros permet l’accès aux cinq musées payants
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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