Camille Grosperrin au Creux de l’Enfer : phasmes et merveilles !

Jean-Marc Dimanche
11 février 2023

Certes, atteindre le Creux de l’enfer au fond de la vallée des usines de Thiers se mérite, mais comme tous les plus hauts sommets, le point de vue y est remarquable et, en ce lieu aussi beau qu’insolite, l’exposition de Camille Grosperrin à la fois savante et poétique. La jeune plasticienne, fraîchement installée dans la région, y présente une série d’œuvres récentes, du 18 janvier au 26 février 2023, L’âne, le phasme et le bâton, restitution d’une résidence qu’elle a effectuée dans l’entreprise Cannes Fayet située à quelques kilomètres du centre d’art.

Profitant d’une immersion de plusieurs semaines dans cette manufacture qui peut sembler rescapée d’une autre époque – Cannes Fayet est le dernier atelier de fabrication de cannes encore en activité en FranceCamille Grosperrin a travaillé comme une véritable ethnologue à la recherche des gestes et savoir-faire, mais également des matières traditionnellement utilisées dans la confection d’un objet qui peut nous apparaître aujourd’hui totalement désuet. Une remontée dans le temps et dans l’histoire qui l’amène également à découvrir que la canne comme objet de mode disparaît avec l’avènement de la voiture, les hommes ayant dû l’abandonner au même titre que leur haut de forme par simple manque de place dans ce nouveau moyen de déplacement. Ainsi fait-elle le lien entre le déclin de la canne et celle du cheval, animal alors utilisé comme moteur, mais rapidement distancé par le progrès industriel et le développement de l’automobile.

Il n’en faut pas plus pour constituer le début d’une histoire que l’artiste se raconte, avant même que de nous la conter, à travers une installation inédite et difficile à classer tant celle-ci tient à la fois de la sculpture et pourrait-on dire presque du dessin. Là où la canne s’arrête, commence pour Camille Grosperrin la ligne et la courbe, le prolongement du geste qu’elle articule dans l’espace jusqu’à rendre fluide le bois, qui de tradition se voulait rigide, force et appui, et n’en doutons pas quelque peu viril à la main de l’homme. En utilisant ici du rotin, il devient liane, ligne déliée qui dessine d’aériens volumes, jusqu’à remettre en cause le classique rayon dédié au design des cannes et en étirer le format à l’extrême. En s’éloignant délibérément du statut même de l’objet et de sa fonction, elle participe en collaboration avec les artisans œuvrant à l’atelier, à une véritable réécriture de l’histoire en exploitant les éléments de style et les matériaux précieux à l’origine de ce bâton de marche devenu au fil du temps complément vestimentaire. Il lui suffit de s’arrêter sur un pommeau décoratif à tête d’âne, ou plus loin un autre en forme de sabot pour imaginer une fable contemporaine, qui prend la forme d’une forêt peuplée de branches au bois délié et feuilles de corne, à pattes d’âne chaussées d’étain.

Dans le cadre d’un partenariat avec Arts Hebdo Medias, un site français d’information dédié à l’art contemporain, nous vous proposons de lire la suite de cet article  sur www.artshebdomedias.com

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