L'effloraison de Mimili

La nouvelle exposition de la Galerie Aboriginal Signature dévoile les travaux de femmes issues du centre d'art aborigène de Mimili Maku dans le désert central australien. Jusqu'au 13 mai.

Quand on pense aux terres arides de l'Australie, il y a certaines images qui reviennent. Quand on pense à la peinture aborigène, il y a certaines couleurs et certains motifs qui viennent à l'esprit. La nouvelle exposition de la galerie Aboriginal Signature a de quoi déjouer ces idées reçues. Les œuvres présentées ont été réalisées par des artistes du village de Mimili Maku, une bourgade de 300 âmes (dont une vingtaine d'artistes) dans l'Outback de l'Australie méridionale, des artistes de différentes générations, entre la trentaine et la septantaine.

Le mot Itjanu, qui donne son titre à l'exposition, fait référence à une période très courte qui suit la saison des pluies, où les terres arides du bush australien se couvrent des premières pousses des fleurs et plantes sauvages. C'est particulièrement notable dans les peintures de Tanya Umatji Tjapalyi. Tapissées de vert tendre tamponné et constellées de petits points, elles sont traversées par des bandes noires qui évoquent à la fois la ramification des arbres et leur système racinaire. Ces peintures sont intimement liées aux cérémonies rituelles des femmes et au paysage dans lequel elles ont grandi, où le symbolique rejoint le géographique.

Le titre My Mother's country (le pays de ma mère) fait référence à ce paysage sacré autant qu'à la pratique artistique de sa mère, artiste elle aussi, qui lui a transmis les techniques et le savoir. Et pour Tanya Umatji, reconnaître ce qu'elle doit à sa mère est aussi l'étape nécessaire pour commencer à tracer sa propre voie inscrite dans un héritage millénaire.

Savoir commun

Le travail de Betty Campbell est également immédiatement reconnaissable. Il donne l'impression d'un collage de formes qui semble ouvrir à une matière picturale qui joue la profondeur. On y retrouve les cercles et des suites de points en lien avec le paysage. Les histoires qu'elle y raconte sont intimement liées aux danses et aux chants que pratiquent les femmes, ainsi qu'aux peintures corporelles qui y sont associées. Ces histoires qu'elle raconte ne peuvent pas être évoquées en dehors de la communauté. Mais nous n'en n'avons pas besoin pour apprécier la beauté plastique de sa peinture avec un travail de la matière et des formes qui dépasse ce qu'on pensait connaître de la peinture aborigène. On peut également apprécier deux peintures collectives réalisées par les deux artistes, pratique courante dans les communautés aborigènes, où l'ego des artistes s'efface devant la transmission d'un savoir commun.

Il y a chez Tuppy Ngintja Goodwin une légèreté et une pétillance qui la rapprocherait d'un Miro des antipodes. La peinture avec ses cercles concentriques enserrés dans un réseau de filaments pointés est en lien avec un lieu sacré où l'on trouve de grosses larves comestibles de papillons nocturnes qui vivent dans les racines de buissons poussant dans l'Outback australien.

Emma Singer est l'artiste la plus jeune du groupe, elle aussi a appris son art auprès de sa mère. Ces peintures évoquent un site cérémoniel avec ses trous d'eau, ses rochers, ses dunes de sable et ses arbres qu'elle traduit dans les tons rouges du désert avec une économie de moyens et une puissance formelle qui n'a pas besoin de traduction.

L'Australie est à près de 15 000 km de la Belgique. Il ne faut pas aller si loin pour s'immerger dans une culture aussi vivante que contemporaine.
 

Itjanu, Resplendissant
Aboriginal Signature,
101 rue Jules Besme
1081 Bruxelles
Jusqu'au 13 mai
sur RDV du mardi au samedi de 11h à 19h
www.aboriginalsignature.com