Hadad et Tidru, regards et pensées

Gilles Bechet
23 juin 2023

La galerie Bruno Matthys expose les peintures d'Abraham Hadad et les sculptures de Tidru, des œuvres qui se complètent et se répondent dans leur sensualité énigmatique. Jusqu'au 15 juillet.


De grands yeux ouverts sur les incertitudes et la douceur du monde. Le nez est large, la bouche épaisse et la peau rose. Un visage rond, des corps douillets et tranquilles. Les personnages d'Abraham Hadad se ressemblent. Peut-être parce que ce sont des autoportraits de l'artiste, mais surtout parce qu'ils appartiennent à la même famille humaine. Il y a quelque chose de l'icône dans ces personnages statiques et frontaux qui nous regardent.

Né à Bagdad, le peintre vit depuis 1965 à Paris, où il a étudié aux beaux-arts et y a enseigné ensuite. Quand on regarde ses peintures, on est séduit par la richesse de la matière picturale qui n'est pas lisse et homogène. « La peau de la peinture se confond avec celle des personnages », a-t-il coutume de dire. Et si au fond les corps ne sont là que pour suggérer la forme, c'est sans doute un écho de ses débuts lointains où il avait d'abord choisi la voie de l'abstraction. Attentif à la matière de la peinture, il l'est aussi aux accidents de pinceaux qu'il assume.

C'est pour cela qu'il aime peindre deux tableaux similaires côte à côte, des faux jumeaux qui lui permettent de reprendre un détail à gauche pour le modifier à droite.

Certains de ses portraits ont d'ailleurs trois yeux, résultat d'un repositionnement qui n'a pas à être occulté. Avec humour, il préfère dire que « ça permet aux personnages de mieux nous voir. »


Au-delà du jugement

Tidru, jeune artiste installé en Ardèche, crée des sculptures en terre cuite de personnages fantomatiques au blanc crayeux. Nus, dépouillés de tout vêtement, ils sont habillés de leur monde intérieur qui émerge sous la forme de petites scènes, entre graffiti et esquisse. Comme s'ils faisaient remonter leurs pensées à la surface de la peau. Les pièces portent des titres énigmatiques peints en toutes lettres dans le dessin La première Becquée, Distribution des cartes ou Attention aux miettes. Comme une invitation à regarder l'autre au-delà des supports habituels du jugement que sont l'apparence ou l'expression corporelle.

En ouvrant sa galerie dans le quartier décentré de Woluwé-Saint-Pierre, Bruno Matthys n'a pas choisi la facilité. Venu du monde de la communication, il est tombé en art en fréquentant la Galerie Point Rouge à Saint-Remy-de-Provence, où il a par la suite ouvert sa propre galerie. À force de passer, à quelques rues de son domicile, devant une ancienne boucherie, vide depuis des mois, il saute le pas. Ce sera sa galerie bruxelloise. « Je veux ouvrir la porte aux arts différents et à tous les publics. J'apprends encore tous les jours, et surtout, je ne veux pas me prendre la tête, »
 

Abraham Hadad
Tidru
Dialogues
Bruno Matthys Gallery
34 avenue Jules de Trooz
1150 Bruxelles
Jusqu'au 15 juillet
Du mercredi au vendredi de 14h à 19h
Samedi de 11h à 18h
www.brunomatthys.art

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT