Albert Delstanche, dessinateur et graveur, reste méconnu en Belgique. Une exposition à la Lancz Gallery au Sablon, la première depuis dix ans, nous donne à voir les merveilleux dessins de cet artiste discret, installé à la fin de sa vie à Ohain, dans le Brabant wallon, où vit sa petite-fille, Claire Vasic, 90 ans aujourd'hui, artiste elle aussi.
Albert Delstanche (Bruxelles 1870 - Ohain 1941) révèle dès l'enfance des dons pour le dessin et réalise sa première estampe à la fin des ses études secondaires. Il étudie le droit et exerce très brièvement au barreau, pour prendre ensuite un virage vers une carrière artistique. Il étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles dans les classes d'Alexandre Robert et Joseph Stallaert. Dès 1903, il occupe un poste scientifique au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale de Belgique. Cette fonction lui procure un travail alimentaire mais lui permet aussi de déployer son goût pour l'érudition et l'art de la gravure. Il publiera tout au long de sa vie plusieurs études scientifiques et historiques sur différentes méthodes de gravure. En 1908, il obtient un congé extraordinaire d'un an pour aller étudier en Italie. Avec la déclaration de la Première Guerre mondiale, l'artiste émigre en Angleterre. Il y remplacera Jules Destrée comme secrétaire du Comité des Artistes belges en exil et s'efforcera de porter assistance à Alfred Bastien, Adrien Blomme, Emile Claus, Valerius de Saedeleer, Jean Delville, Hippolyte Daeye, Emile Fabry, Marcel Jefferys, George Minne, Constant Permeke, Victor Rousseau et bien d'autres. En 1929, Albert Delstanche se fixe définitivement à Ohain, si bien que Pierre Poirier le surnommera le maître d'Ohain.
Aux cimaises de la Lancz Gallery, qui s'attache encore et toujours à défendre les artistes modernes belges, des paysages, mais aussi des scènes familiales d'une grande délicatesse et tendresse.
Monotypes, encres, fusains, graphites et lavis déroulent des paysages brabançons aux ombres portées structurant le paysage, arbres et champs évoqués avec vivacité et légèreté. Gros coup de cœur pour les scènes de la vie de tous les jours. Son épouse Madeleine, nuque déliée et chignon, penchée sur un livre, faisant la sieste, cousant : la grâce d'un col de dentelle, la clarté d'un visage, la tendresse du regard de l'artiste... Et plus tard, ses petits-enfants Jean-Paul et Claire, bébés puis tout jeunes enfants. Très souvent croqués de dos ou de trois quarts dos, ils tètent, apprennent à marcher, jouent, écrivent, lisent... Albert Delstanche laisse couler de sa main tout l'amour et l'attachement qu'il éprouve pour ces petits êtres grandissants. Voici Claire jouant avec sa poupée Fanchon, Le petit Jean-Paul jouant... Quel merveilleux dessinateur, qui cherche chaque fois à saisir l'intimité d'une scène, avec une belle économie de moyens ! Lavis et encre de Chine pour Mère et son enfant : ce dernier semble dormir, complètement détendu et largement étalé sur les genoux de sa mère dont le visage se penche vers lui en un mouvement d'une grande douceur. Voici Claire écrivant : assise sur une chaise, l'enfant d'une petite dizaine d'années tient ses épaules contractées par la concentration, le dos bien droit. Sur la table, une feuille blanche esquissée. Cette petite Claire est devenu sculpteur et a travaillé dans l'atelier de sculpture de Philippe Desomberg à l'Académie des Beaux-Arts de Braine-l'Alleud dans les années 1980... Un fil non rompu de création et de regard attentif et tendre sur la vie. L'exposition au Sablon se prolonge jusque fin janvier. Ne manquez pas d'y faire un tour !
Albert Delstanche
D'ombres et de lumières
Lancz Gallery
15 rue Ernest Allard
1000 Bruxelles
Jusque fin janvier 2020
Du mardi au samedi de 10h à 13h et de 14h à 18h
https://lanczgallery.be/
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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