Pour la belle saison, la Fondation Boghossian nous invite à remonter le temps avec Flamboyant, un art de vivre dans les années trente. Meublée et redécorée pour l’occasion, la Villa Empain évoque l’effervescence artistique des avant-gardes dans un décor immersif inédit.
C’est une silhouette d’homme, forte et délicate à la fois. Ses pieds frôlent à peine le sol, le laissant en apesanteur dans le cadre de la toile qui le contient. Ses quatre paires d’yeux étrangement superposées nous aimantent, en posant sur nous une œillade surréaliste. L’Homme aux yeux, petite toile du peintre Francis Picabia, résume à sa manière la multiplicité des regards, des courants et des sensibilités qui se croisent dans l’exposition. Elle évoque à elle seule l’incroyable effervescence des avant-gardes, qui fait de l’Europe de l’entre-deux-guerres un véritable kaléidoscope artistique. Avec cet accrochage inédit, la Fondation Boghossian a fait le pari d’imaginer puis de recréer l’intérieur d’une maison cossue des années 1930 au sein de la Villa Empain. Ce joyau Art déco devient, l’espace d’un instant, le reflet de l’atmosphère d’une époque. Architecture, artisanat, design et œuvres d’art dialoguent avec aisance au fil des pièces reconstituées.
La bâtisse toute entière semble retenir son souffle, tandis que la mélodie nonchalante du jazz ricoche sur les dessertes de palissandre et les fauteuils en velours. Ses hôtes d’honneur ne sont autres que Joan Miró, Kees van Dongen ou encore Henry van de Velde. Magritte y fait une apparition discrète, et on croise avec plaisir les évocations lyriques de Gustave de Smet au détour du boudoir de Madame. La délicate gouache De Zeearend, permet de redécouvrir le talent de ce peintre flamand, chef de file d’un expressionnisme tout sauf désenchanté. Il y rêve d’étreintes au clair de lune sur fond de mer du Nord. Dans l’intimité de la chambre parentale, toute dédiée aux lignes abstraites, Kandinsky répond à Marthe Donas, figure féminine emblématique de l’abstraction belge. Une harmonie chromatique d’ocres donne à la pièce un équilibre savamment bousculé par l’audace d’une géométrie implacable qui gagne jusqu’au mobilier. Quelques enfilades plus loin, le salon, paré d’un opulent papier peint rouge et or, accueille la rafraîchissante Jeune fille à la mauresque, robe verte de Matisse. Une touche d’orientalisme que l’on retrouve déclinée dans le fumoir Oasis. Cabinet de curiosités luxuriant, ce dernier évoque la fascination des Années folles pour l’exotisme moyen-oriental et ses mystères.
Avec Flamboyant, la Fondation Boghossian convie tout un pan de l’histoire de l’art entre ses murs et mêle avec éclat influences, confluences et antagonismes esthétiques. Elle convoque une grande variété d’œuvres qui évoquent un art de vivre mais aussi un art de voir. Celui grâce auquel, pour notre plus grand plaisir, l’œil artiste génère des formes et des impressions sans cesse renouvelées.
Flamboyant, un art de vivre dans les années trente
Fondation Boghossian – Villa Empain
67 avenue Franklin Roosevelt
1050 Bruxelles
Jusqu’au 6 octobre
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
www.villaempain.com
Journaliste
Historienne de l’art avec un goût prononcé pour l’art contemporain, Mylène Mistre-Schaal est collaboratrice régulière pour le magazine culturel Novo. Elle écrit également pour le city-magazine français ZUT et pour la revue Hermès. Co-autrice du livre L’Emprise des Sens aux éditions Hazan, elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports sans cesse renouvelés entre l’art et les cinq sens.
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