Art Brussels revient au galop

Elisabeth Martin
21 avril 2018

Une fois l’an, Bruxelles rayonne et devient reine de l’art contemporain. Pour son 50e anniversaire Art Brussels réaffirme son aura internationale et son profil de foire découverte auquel elle tient. Un cru international, certes (101 exposants étrangers, dont 15 hors Europe), mais avec un fort pourcentage de galeries belges (32% contre 18% en 2017), une manière de revenir aux origines de l’événement, lorsque la foire ne réunissait que des enseignes nationales. De mettre en avant la diversité et la richesse de la scène belge également. Le pionnier Albert Baronian y est à l’honneur aux côtés de 45 compatriotes.

Commencez la traversée par Mystic Properties, à l’Hôtel de la Poste. Un excellent projet artistique collectif monté par la curatrice et historienne de l'art Elena Sorokina en collaboration avec le HISK (Hoger Instituut voor Schone Kunsten, Gent). S'y pose la question de l’appartenance de l’œuvre d’art, inspirée par l'un des joyaux de l'histoire de l'art, L’Agneau mystique, et son destin mouvementé. Un retable extraordinaire tant admiré et si souvent objet de convoitise. Le projet noue un beau dialogue entre pratiques artistiques contemporaines diverses à partir de l’art ancien.

Difficile de faire un choix parmi les "Solos", tous de bon niveau. Citons la galerie Geukens & De Vil, qui reconstitue l’atelier de l’artiste gantoise Sofie Muller. De très belles têtes imparfaites, sculptées dans l’albâtre, douces et étranges. Mélancolie, émotions, références aux blessures physiques et psychiques. Parmi les stands bruxellois, citons les remarquables portraits, subtils et énigmatiques, de Sophie Kuijken chez Nathalia Obadia. Puis Prune Nourry chez Templon, Leen Voet présenté par Albert Baronian, le travail de Chaim van Luit (Meessen De Clercq), les sculptures et la performance d’Alice Anderson (La Patinoire Royale) et Nicolas Party qui vaut à Xavier Hufkens d’être récompensé par le prix SOLO. Côté international, j’ai aimé la réinterprétation de Guernica par Alex Chaves (Martos Gallery), le travail de Daniel Firman présenté par la galerie Choi&Lager, de Cologne, ainsi qu’Ivan Grubanov (Ron Mandos, Amsterdam).

Sous le label Discovery, de belles révélations. Se démarquent Félix Frachon et les talents indiens de Shine Shivan et d'Apnavi Thacker. Ici, l'originalité ne sacrifie pas à l'esthétique. Le travail singulier de Nandita Kumar, tout en délicatesse, est magnifique. Plus loin, les oeuvres du
jeune Roumain Räzvan Anton attirent l'attention chez Eastwards Prospectus. La Galerie Allen explore les possibilités de l'apparence avec Emmanuel Van der Meulen et Colin Snapp. Entre sculpture et performance, relevons Elisabeth S. Clark (GB) en la galerie Dohyang Lee. Parmi les enseignes Rediscovery, Luis Adelantado (ES) met en avant Dario Villalba qui marie photographie, sculpture et peinture. Un artiste important sur la scène espagnole des années 1970. La galerie Axel Vervoordt rend hommage à la peintre italienne Ida Barbarigo (1920-2018), avec sa superbe série Passeggiata.

Sur le plateau Prime, les grands noms. La galerie Suzanne Tarasieve montre, entre autres, le tandem russe Recycle Group, présent à la dernière Biennale de Venise. On avait remarqué leur réflexion sur les conséquences du progrès technologique et l'avenir de la pratique artistique. On retrouve avec bonheur l'artiste japonaise Chiharu Shiota et le peintre sénégalais Omar Ba chez Templon. Dépendance choisit des artistes engagés dans un langage critique et social. Citons également Fiftyone pour les amateurs de photo. Ne manquez pas la Galeria de las Misiones de Montevideo avec quelques Torres-Garcia, Greta Meert, Albert Baronian ni le stand de Meessen De Clercq et son  écurie composée d'univers très différents : Jorge Méndez Blake, Benoît Lemaire, José Maria Sicilia, Maarten Vanden Eynde... Pour finir, les galeries Baton et Gana Art (Séoul) montrent une belle sélection d'artistes coréens. Relevons deux superbes œuvres récentes de Nam Tchun-Mo. La sélection est loin d'être exhaustive. L'art prend son sens si on le partage. Alors laissez-vous happer par le tourbillon d'Art Brussels et partez, vous aussi, à la découverte. Chaque édition est un monde unique en soi, avec sa complexité, son choix d'artistes et de galeries, un moment éphémère puisqu'elle ne dure que quatre jours.

 

Art Brussels 2018
Tour & Taxis
Jusqu'au dimanche 22 avril
www.artbrussels.com

 

Elisabeth Martin

Rédactrice

Traductrice puis pédagogue de formation, depuis toujours sensible à ce vaste continent qu’est l’art. Elle poursuit des études de sociologie et d’histoire de l’art avant de relever le défi de dire avec des mots ce que les artistes disent sans mots. Une tâche d’interprète en somme entre deux langages distincts. Partager le frisson artistique et transmettre l’expérience esthétique et cet autre rapport au monde avec clarté au lecteur, c’est une chance. Une sorte de mission dont elle nourrit ses textes.