La nouvelle exposition des MRBA, Une brève histoire de l’avenir, tente le lien entre l’essai éponyme de Jacques Attali et le regard visionnaire posé par la création la plus contemporaine sur le monde et notre devenir commun. Elle dissèque les menaces du XXIe siècle et s'immisce dans un présent qui se fissure dangereusement. Tous les voyants sont au rouge ! La réflexion est multiple, parfois sombre, quelquefois enjouée ou provocatrice. Sans verser dans le fourre-tout, elle mêle le meilleur de l’art d’aujourd’hui.
D’une salle à l'autre, sculptures, vidéos, dessins, peintures et photographies façonnent les espaces affectés à huit thématiques. En fin de parcours, l'odyssée distille l’espoir que tout peut arriver, non seulement le pire mais aussi le meilleur. L'art, catalyseur de réflexion, éveille une prise de conscience et de responsabilité et peut impulser une dynamique de changement. Les actes d'aujourd'hui conditionnement notre avenir. Le message est clair, la conscience critique mise en œuvre.
Suivons le cheminement aménagé par les commissaires autour de huit pôles. La cité des Anges, centre névralgique du capitalisme, et la suprématie américaine inspirent la première salle. Des artistes comme Edward Ruscha, Edward Burtynsky, Robbert Flick, Chris Burden ou Tracey Snelling, Maso Kohmura et Kouji Fujino esquissent la chronique du développement du microprocesseur et de la révolution technologique. La deuxième salle s'intitule Déclin de l’Empire américain. Dans ce point de basculement, retenons deux œuvres. L'émouvante photo d'Hiroshi Sugimoto, World Trade Center 1997, prise à l'orée du XXIe siècle, avant la destruction des tours jumelles. Et ce drapeau américain, ô combien symbolique, sur lequel sont superposés des éléments de la culture orientale. Une création de l'artiste iranienne Sara Rahbar. Rencontre de deux cultures ou bien notion d'emblème national et de patriotisme qui a justifié tant de conflits armés ?
Le troisième espace, Une planète menacée, se penche sur les égarements d'un environnement mal géré. Le réchauffement climatique s'accentue, la hausse de température conduisant à un monde aux prises avec des phénomènes climatiques extrêmes semant dévastation et misère. Les ressources naturelles et énergétiques s’amenuisent, la survie de l'humanité est en péril. Olafur Eliasson présente Little Sun. Poétiques et ingénieuses, ces marguerites sont des lampes solaires distribuées dans une douzaine de pays africains.
La surconsommation et les images du consumérisme ambiant inspirent de nombreux artistes. Retenons ici The matrix of Amnesia (Fat Man) de John Isaacs. L'obésité morbide de ce corps nous ramène aux excès de consommation et prend la mesure de notre amnésie collective. Un effet boule de canon ! Sous le signe du dollar et d'une œuvre d'Andy Warhol, le thème de la salle suivante est lancé. L'empire du marché et de ses lois donne la priorité à une classe dirigeante et conquérante. Tout devient marchandise. Andres Serrano a photographié des exclus du système, des sans-abris dont les portraits sont exposés dans des espaces publics. On y sent la solitude extrême de l'individu dans ce Portrait 3 d'Omar Berradi, tiré de la série Residents of New York. Le collectif russe AES+F nous parle d'un monde globalisé et de décadence où l'humain n'a qu'un rôle de façade.
La sixième salle s'articule autour du temps devenu une denrée extrêmement rare et aussi monnayable que tout autre marchandise. Dans la septième salle, l’histoire devient houleuse. Les dérives du capitalisme libéral, le renforcement des déséquilibres des richesses et des relations économiques dissymétriques attisent la violence et les conflits armés. Arrêtons-nous devant Le rêve d'un monde meilleur, de Gonçalo Mabunda ou bien devant la valise subversive de Gregory Green. Finalement, l'espace Utopies regroupe des œuvres qui donnent un peu d'espoir, notamment celles de Jean-Michel Alberola, de David Altmejd ou de Claudio Parmiggiani. Notre monde pourra-t-il être sauvé in extremis ? L'hyperdémocratie semble être la seule issue favorable possible. L'exposition se clôt par une évocation de la construction européenne de la main d'étudiants en art.
Un projet mûri en partenariat avec le Louvre qui montre qu'entre artistes et intellectuels les passerelles sont plus nombreuses qu'on ne le pense. Une exposition brillante, finement ciselée qui regroupe des artistes phares et un florilège de propositions de qualité. Depuis la rétrospective sur Panamarenko en 2005, les MRBA n'avaient pas proposé d'exposition d'art contemporain d'envergure. On ne peut donc qu'applaudir !
2050, Une brève histoire de l'avenir
Musées royaux des Beaux-Arts
3 rue de la Régence
1000 Bruxelles
Jusqu'au 24 janvier 2016
Du mardi au vendredi de 10h à 17h, samedi et dimanche de 11h à 18h
www.expo-2050.be
www.fine-art-museum.be
Rédactrice
Traductrice puis pédagogue de formation, depuis toujours sensible à ce vaste continent qu’est l’art. Elle poursuit des études de sociologie et d’histoire de l’art avant de relever le défi de dire avec des mots ce que les artistes disent sans mots. Une tâche d’interprète en somme entre deux langages distincts. Partager le frisson artistique et transmettre l’expérience esthétique et cet autre rapport au monde avec clarté au lecteur, c’est une chance. Une sorte de mission dont elle nourrit ses textes.
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