A.Galerie propose jusqu'au 17 juillet La face masquée de l'art, une exposition sur le thème du masque, commissionnée par Carine Fol et François Delvoye. Le masque, qu'on associe aujourd'hui à la pandémie, reste un objet universel, populaire, rituel et folklorique. Ce sont ces aspects-là qui sont pointés, avec la présentation d'œuvres d'arts dits outsiders, art contemporain et arts tribaux.
Décidément, le masque est au cœur de la création de nombreux artistes actuels et il intéresse les commissaires d'exposition. Il est vrai qu'on assiste depuis quelques années à un mouvement de retour vers ce que j'appellerais une sauvagerie vivifiante. Comme si les artistes se débarrassaient de leur costume - souvent rigide - d'artiste conceptuel et intellectuel, pour plonger dans les riches méandres des arts populaires, tous faisant partir de notre iconographie inconsciente et commune. Ce faisant, ils s'emparent aussi des images, formes et rituels des traditions populaires, comme le carnaval, le costume, le masque. Un retour vers une sauvagerie vivifiante, nourrie d'un besoin de contact direct avec la matière : les mains dans la peinture, la terre, sur le bois, la pierre.
Investis dans cette sauvagerie vivifiante, citons Mircea Cantor, vu au Musée de la Chasse à Paris, qui y avait emmené des masques et costumes traditionnels de Roumanie, citons l'exceptionnel travail du photographe Pierre Liebaert sur le carnaval, vu chez Archiraar en 2019, mais encore, les masques de Stephan Goldrajch, les sculptures en pierre de Stephan Rick, les masques en bois de Christophe Doucet, toute une génération de jeunes céramistes comme Agathe Dupérou, Antoinette d'Ansembourg... Tous se confrontent sans peur à la matière, ne se cassent plus la tête avec d'éventuels messages sociétaux, offrent avec générosité formes et images, loin de tout discours conceptuel ampoulé dont nous sommes tous fatigués.
A voir donc chez A.Galerie, un grand masque peint sur toile de Xavier Noiret-Thomé, qui vous regarde dès l'entrée. Sur sa droite, une autre paire d'yeux, ceux d'un visage masqué sous une grosse boule, un non-masque, par Emilio Lopez-Menchero. Et sur sa gauche, un long collier, sorte de gri-gri fait de multiples visages en papier mâché, d'Annabelle Guetatra. Dans l'espace suivant, nous sommes bien heureux de retrouver les photographies retouchées par Coco Fronsac, les masques totalement dingues en pièces de plastique récupérées d'Olivier Goka, ainsi qu'un masque africain prêté par la galerie Didier Devillez, qui fait un bel écho au travail des deux artistes précités.
Dans le troisième espace, place au travail si singulier du duo franco-chinois Benoît+Bo : deux photographies de leurs personnages masqués dans la ville et deux kakemono sérigraphiés, aux couleurs vives. "Notre série Gardien reprend la pensée chamanique de guérison du monde. Cette série vient de la tradition chinoise des images protectrices que l’on colle sur les portes des habitations pour faire fuir les malheurs. Nos images dotées d’une composition complexe sont chargées de symboles et d’éléments plastiques qui agissent comme une percussion visuelle cacophonique. Des caractères chinois s’inscrivent sur les images comme les paroles incantatoires du chaman", expliquent-ils.
Il faut descendre au sous-sol pour voir les puissants dessins de Paul Duhem, Jean-Michel Bansart, Sarah Albert... avec une autre toile de Lopez-Menchero, à la fois drôle et inquiétante.
Une bien belle sélection, avec d'intenses dialogues entre les pièces. C'est à voir.
La face masquée de l'Art
A.Galerie
25 rue du Page
1050 Bruxelles
Jusqu'au 17 juillet
Du mercredi au samedi de 14h30 à 19h
https://www.a-galerie.be/
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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