Le CID du Grand-Hornu accueille la première monographie consacrée à Kaspar Hamacher, ainsi que les 4 finalistes du Prix des Jeunes Artistes du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Une fois qu'on les a vues, les pièces de Kaspar Hamacher ne sont pas de celles qu'on oublie. Avec le minimalisme de l'épure, l'artiste transcende le bois en un matériau à la fois nouveau et intemporel. Si on a pu voir quelques-unes de ses pièces, en galerie, dans des salons de design ou des expos collectives, jamais l'artiste n'avait encore fait l'objet d'une exposition muséale à la hauteur de son talent.
Tout commence déjà dans la cour du Grand-Hornu. D'imposantes sections d'arbres morts sont posées à même les pavés. C'est une fraction de ce que le temps et la nature nous laisse une fois que ces géants des forêts s'écroulent de vieillesse ou sont bousculés par une tempête. Ce sont aussi des vestiges presque tels que l'artiste ardennais les découvre lorsqu'il se promène en forêt. Séduit par leur force et par leur beauté naturelle, il les embarque pour son atelier. « J'attends une idée pour les travailler. Tant que je n'ai pas trouvé, je les laisse tels qu'ils ont été sculptés par la nature. C'est souvent plus beau. Parfois l'idée vient très vite, parfois, ça peut demander du temps. » Né dans les cantons de l'Est, Kaspar Hamacher a été élevé par un père garde-forestier. La relation étroite qu'il a développée avec la forêt l'a tout naturellement amené à faire du bois la matière première de sa création. Artiste inclassable, à la fois designer et artiste conceptuel, il préfère tout simplement être considéré comme un artisan. Après une formation à l'Académie de Maastricht puis auprès du créateur de mobilier Casimir, il s'est installé momentanément à Bruxelles, mais après quelques années, répondant à l'appel de la forêt, il revient s'installer non loin de là où il a grandi.
Dans le passage entre les deux cours de l'ancien ensemble industriel, il a placé un morceau de tronc de châtaignier, dont le cœur a été brûlé pour faire la connexion entre les deux espaces du site. Un peu plus loin, un tronc partiellement raboté à la tronçonneuse se fait banc. Dans sa partie inférieure, les branches sectionnées en guise de pieds apparaissent comme les pattes d'un animal à l'affût. Et puis, il y a cette énorme sphère, objet impossible, qui porte encore les striures de la ponceuse qui l'a fait naître. Le Magasin aux foins accueille un ensemble de pièces qui témoignent du large éventail de techniques que l'artiste a appris à maîtriser et de son souci constant de recherche et d'exploration du matériau. Si Kaspar Hamacher s'est fait connaître par son mobilier et ses sculptures en bois brûlé, une technique qui s'inspire de celle des artisans japonais, d'autres pièces font apparaître du bois poli, ciré ou tronçonné, laissant transparaître différentes textures de bois. Bancs, chaise longue, table basse, étagère ou paravent comme autant de métamorphoses d'un matériau qui est un don de la nature. Dans la dernière partie de l'espace derrière une paroi, Kaspar Hamacher a créé une installation monumentale plongée dans la pénombre. Des sphères de bois poli et brûlé sont éparpillées devant un écran où brûle une flamme sans fin, comme une métaphore de la Terre-mère que nous sommes en train de consumer.
Derrière le titre Materia, le CID expose les quatre finalistes du Prix Jeunes Artistes du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles consacré pour son édition 2020, présentée en 2021, au design. Par le traitement de la matière, le travail de ces jeunes designers est marqué par les préoccupations bien contemporaines pour le changement climatique, l'épuisement des ressources, le recyclage et la recherche de moyens de production moins énergivores.
Lauréat 2021, Studio BISKT est un collectif bruxellois de céramistes composé de la Française Charlotte Gigan et du Belge Mathieu Duchêne. Ludique et surprenant, le travail du duo se situe au croisement du processus industriel et du savoir-faire manuel, combinant les capacités de production de l'un avec le potentiel d'expérimentation et d'innovation de l'autre. « Le processus de production nous intéresse plus que le produit », précise Mathieu. L'ensemble des pièces proposées témoigne parfaitement de l'esprit laboratoire de leur production. Formes et matières s'assemblent joyeusement dans des étreintes plastiques et fonctionnelles où l'on reconnaît un banc ici, des vases par là ou encore des tasses et puis plein d'objets à la fonctionnalité plus floue, nés d'intuition et de jeux avec la matière. Au centre de leur travail, la technique d'extrusion, cette expulsion contrainte de la matière, mise en œuvre pour produire les churros. Quand on travaille la terre, cela permet de changer de forme en fonction de l'hygrométrie. « C'est en fabriquant nos briques nous-mêmes que nous avons eu l'idée de les utiliser pour en faire un banc en assise modulaire. » C'est aussi en agençant des modules qu'ils créent des pièces uniques reposant sur un travail en série. Et c'est en assemblant des formes évidées avec un gros élastique homemade qu'ils ont créé de surprenants vases-bouquets. Les formes naissent de l'expérimentation et la fonction naît des formes.
Parmi les trois autres finalistes, Emma Cogné utilise des segments de gaines plastiques qui protègent les câbles électriques. Avec ce matériau industriel habituellement caché, elle développe des techniques d'assemblage et de nouage textile pour créer des cloisons fonctionnelles et décoratives.
Designers industriels de formation, le duo PaulinePlusLuis travaille la lumière comme une matière dans des luminaires simples, intuitifs et poétiques.
Le travail de Studio Plastique combine le design, l'engagement écologique et la réflexion critique sur les processus industriels et sur la circulation de biens de consommation. Dans leur projet Common Sands, ils mettent en avant la possibilité de créer du verre à partir des silicates et du verre contenu dans l'électroménager, notamment dans les fours à micro-ondes.
Kaspar Hamacher, Terre Mère
Materia
Prix Jeunes Artistes du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles
CID Grand-Hornu
82 rue Sainte-Louise
7301 Hornu
Jusqu’au 26 septembre
Du mardi au dimanche de 10 à 18h
www.cid-grand-hornu.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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