Au M Leuven, les paysages urbains de Sarah Morris

Muriel de Crayencour
15 décembre 2015

En invitant Sarah Morris à exposer, le Musée M Leuven fait une fois de plus la preuve qu'il a la capacité d'accueillir un grand artiste international. A voir, une dizaines de peintures monumentales, quatre films, des œuvres sur papier et un mural dans une pièce à l'étage, ouverte par trois grandes baies vitrées sur les toits de Louvain. L'ensemble prend place avec énormément d'élégance dans les larges espaces du musée. 

Sarah Morris est une artiste américano-britannique née en 1967, qui vit et travaille à New York. Son œuvre se développe sur plusieurs médias, du plus classique au plus actuel. Quatre films sont à voir. Le film Strange Magic (2014) a été commandé par la Fondation Vuiton. Il présente un fondu enchaîné de différentes phases de la construction de l'immense bâtiment commandé à Gehry, mais aussi des vues de la production de champagne, de parfums, etc., tous produits liés à Vuitton. Etonnante œuvre critique, qui n'a pas eu peur de son commanditaire. Qui lui-même n'a pas eu peur de montrer ce film qui donne à voir quelques rouages du business du luxe et de l'art.

Pour le film Beijing, tourné en 2008, Sarah Morris est l'une des rares à avoir pu visiter les coulisses de la préparation de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Pékin. L'artiste aime à montrer les villes et ce qui se cache derrière la façade et les façades.

Le travail de peinture de Sarah Morris flirte avec le modernisme. Comme des origamis, ses œuvres se déplient en un ensemble de formes géométriques qui se répètent, au gré des couleurs vives. Des cercles, des triangles, des demi-cercles. La référence aux pères de l'abstraction ne fait aucun doute. Les séries portent pourtant des noms de villes, Rio, São Paulo, etc. C'est la passion de l'artiste pour les paysages urbains qu'il faut voir ici. Au dernier étage du musée, le mural qui a pris la place de celui de Sol LeWitt est un envoûtement. Précis et puissant. Cinq peintres ont travaillé durant quatre semaines à cette peinture qui se compose de onze couleurs différentes. Cette trame impressionnante fait 23 mètres de large sur 7 mètres de haut. L’œuvre de Sarah Morris compte quinze sujets et peintures murales aux dimensions d’un lieu donné, telles celles qu’on retrouve à la station Gloucester Road du métro londonien (Big Ben, 2012) ou pour le musée K20 à Düsseldorf (Hornet, 2010).

Dans les grandes salles du musée, chaque toile éclate de couleurs, fait vibrer l'espace, dégageant une joie profonde, celle d'être une œuvre sans sujet, tout simplement. « L'œuvre d'art n'est pas un objet de communication, l'œuvre d'art n'est pas un instrument de communication, l'œuvre d'art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité fondamentale entre une œuvre d'art et l'acte de résistance », disait Gilles Deleuze en 1987. On est là. Dans l'œuvre comme prise de position par le seul fait d'exister. C'est ce qui fait sa beauté.

Les œuvres sur papier sont des rehauts de peinture appliqués sur des affiches de cinéma, faisant le lien avec l'amour de l'artiste pour le cinéma.

Sarah Morris
Astros Hawk
Musée M Leuven
18 L. Vanderkelenstraat
3000 Louvain
Jusqu’au 20 mars 2016

Du jeudi au mardi de 11h à 18h, jeudi jusqu’à 22h
http://www.mleuven.be

 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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