Filez sans tarder à Liège admirer le remarquable travail d'Aurélie Gravas à La Comète, ancien cinéma adossé à l'Espace 251 Nord conduit par Laurent Jacob. Jusqu'au 12 mai, les tableaux de la jeune Française déploient leurs charmes enivrants dans l'immense espace blanc.
De grandes formats à la craie, au spray, dès l'entrée. On y voit des figures, souvent un visage, des yeux, des morceaux de corps, parfois des oiseaux ou une fleur. Puissants, colorés, ils déploient des formes que nous pensons reconnaître et qui pourtant discutent entre elles d'une manière très nouvelle. Tout d'abord, fameux challenge que de tenir le coup dans cette immense salle très haute de plafond et à l'éclairage zénithal. Il faut être drôlement costaud. Les œuvres de Gravas le sont !
Sujets souvent classiques, portraits, visages... "Mes sujets sont plutôt classiques et j'aime qu'ils soient validés par l'histoire de l'art. Elle me fascine, mais aussi les peintres. Leur vie m'émeut. Picasso, Marthe Donas... " Par cette réappropriation, l'artiste peut se concentrer sur la composition, les matières, les formes à l'intérieur du propos simple et maîtrisé.
"La peinture, c'est difficile, nous explique Aurélie Gravas. On ne devient pas peintre en un an. Il faut bien une dizaine d'années pour produire quelque chose qui nous appartient. Cela fait 15 ans que je peins mais aussi que j'utilise des aimants pour ranger les morceaux de papier sur des panneaux de métal dans l'atelier. Ces compositions involontaires m'intéressaient par le foisonnement de couleurs et de matières qu'elles produisaient." Ce sont donc aujourd'hui pour la plupart des œuvres composées sur plaques de métal qu'on peut voir.
Ainsi, Dark Annie, une composition de 200x250 cm de papier, cartons et papiers découpés puis fixés sur une plaque de métal noir par de simples aimants. Chaque forme tient par un seul point, ses bords se décollant tranquillement du fond, parfois se courbant et créant une ombre, vivant leur propre vie. Un visage, rose fluo, une chevelure jaune, un œil, un morceau d'oreille, une épaule sur le fond noir. Courbes, formes prêtes à s'envoler, légèreté du papier contre la densité du métal. Ces compositions aux aimants ne sont pas destinées à être modifiées par le spectateur. L'idée est plutôt que chaque forme soit autonome.
Dans l'exposition All places are temporary palaces montée par Laurent De Meyer au Penthouse Art Residency, au 9e étage du NH Brussels Bloom pendant Art Brussels, et que l'on peut encore voir les 28 et 29 avril (de 15h à 18h), Gravas présente une œuvre dont le sujet principal est une silhouette définie comme celle de Sonia Delaunay et qui est entièrement détachée du tableau. Elle est d'ailleurs assise un peu plus loin. Toute échappée.
"La peinture est un processus lent, continue Gravas. Plus on peint, plus on sait ce qu'on ne doit pas peindre et plus on s'autorise des choses. Ce procédé de cuts, je me le suis autorisé."
Un autre tableau reprend ces motifs et formes sur une surface aimantée. The Painter est le portrait d'un peintre. Cela pourrait être Rembrandt. Il nous semble reconnaître son regard. Autour du visage, une forme découpée, croissant formant comme une écharpe. Dans le bas du tableau, la palette du peintre. Dont la forme fait écho à celle de l'oreille jaune que l'on voit plus haut. Pour The Painter 2, le visage s'embarque vers Bacon et ses textures fondues et charnelles. Inner Landscape, qui donne son nom à l'exposition, reprend le procédé des papiers découpés, à peine fixés, sur toile. Dans les reliefs qui se déploient, une vie propre, celles des formes, qui dansent un peu, cherchant un équilibre, celui-là même que l'artiste leur donne. Aurélie Gravas ordonne. Et soudain, le tableau est là. Ne bougez plus.
Pour le finissage le 12 mai, concert d'Aurélie Gravas (chant), Luc Van Lieshout (trompette) et Louis Evrard (batterie) à 17h.
Aurélie Gravas
Inner Landscape
La Comète
251 rue Vivegnis
4000 Liège
Jusqu'au 12 mai
Du mercredi au samedi de 14h à 18h
www.e2n.be
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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