Au BAM, la beauté est sans cartel

Gilles Bechet
09 novembre 2019

La nouvelle exposition du BAM, Memento Mons, ressuscite l’esprit des cabinets de curiosités pour une confrontation inspirante entre des objets issus des collections historiques montoises, des œuvres contemporaines de la collection de Galila Barzilai-Hollander et les créations des céramistes de BeCraft. Avec méthode s’écrit un discours sur la beauté sous toutes ses formes.

Une souris naturalisée, une couronne d’une statue de la Vierge, un pic en silex du Néolithique, une page d’un livre d’heures, rangés côte à côte dans un dialogue encore à écrire. Apparus en Europe à la Renaissance, les cabinets de curiosités étaient un plaisir d'esthètes et le fruit d’un regard. Ils sont l’embryon des musées qui en sont vite venus à tout classifier et séparer. Les arts classiques ne se mêlaient plus aux arts populaires, les sciences naturelles aux arts appliqués. L’analyse avait pris le pas sur l’émotion. La nouvelle exposition du BAM tourne le dos à cette aride spécialisation pour retrouver une poétique du regard en mélangeant les époques comme les techniques, sans échelle de valeur.

La brièveté du temps

Memento Mons rassemble des objets issus des collections patrimoniales montoises, de la collection P.O.C. de Galila Barzilai-Hollander et les créations contemporaines des artisans de BeCraft. En ressuscitant l’esprit des cabinets de curiosités, les deux commissaires d’exposition, les designers Sofie Lachaert et Luc D’hanis, ont voulu proposer une réflexion sur la brièveté du temps humain.
Les œuvres n’ont pas été choisies pour leur importance historique mais pour leur beauté intrinsèque. D’ailleurs, aucun cartel n’est visible à côté des pièces pour mieux favoriser les associations libres et la curiosité. Le public trouvera toutefois toutes les explications nécessaires dans le très complet guide du visiteur.
La forme des modules d’exposition s’éloigne des blocs standard que l’on a l’habitude de voir pour des formes irrégulières percées de logettes. Les commissaires expliquent s’être inspirés de celles des abris précaires qui accueillent les migrants et où se rassemblent des collections d’individus ayant chacun leur propre histoire. Les pièces sont réunies derrière des classifications larges rappelant celles que l’on trouvait dans les cabinets de curiosités.

Subtil mélange

Dans Naturalia, on trouve une chaise racine de Maddalena Ambrosio sous une couronne mortuaire en fer forgé du XIXe, ou une étrange vaisselle de table étirée d’Anne Marie Laureys Ceramics à côté d’une page d’atlas du XVIe. Il y a des correspondances de forme, ou pas, et l’esprit voyage. Un autre module, Mineralia, nous montre une valise en pierre de Philippe Luiz, comme tombée d’un tableau de Magritte, à proximité d’un oriflamme de la ville de Mons. Albicolor exhibe une extraordinaire Danse Macabre provenant d’un ornement funéraire de la Cathédrale Sainte-Waudru aux côtés de la fascinante dentelle de la sculpture en papier de Rogan Brown. Quatre cents ans en un battement de cil, les œuvres ont bien des choses à se dire l’une à l’autre. La visite se conclut par un espace dédié montois de la Renaissance Roland de Lassus. Un buste en terre cuite polychrome du musicien dialogue avec les effigies en bronze, marbre ou porcelaine de personnages de la bonne société montoise de la Belle Epoque. Une sculpture en résine de Gil Shachar vient jeter un frisson d’étrangeté dans ce rassemblement comme une boule dans un jeu de quilles. De ce subtil mélange d’époques, de matières et de styles, surgit une autre histoire qui, affranchie de certains codes et références du passé, répond avec une étonnante pertinence aux interrogations du présent.

Memento Mons
Cabinet de curiosités
BAM (Beaux-Arts Mons)
8 rue Neuve
7000 Mons
Jusqu’au 26 janvier 2019
Du mardi au dimanche de 10h à18h

 

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT