Le BAM propose une copieuse rétrospective, largement inédite, de l'œuvre du peintre et sculpteur Fernando Botero. Un artiste que l'on croit connaître et qui nous réserve de belles surprises.
Leurs formes sont pleines, lisses et on les imagine d'une grande douceur. Des personnages qui appartiennent à la peinture plus qu'à la réalité. Enveloppé dans ces chairs généreuses comme une amande au milieu d'une dragée, il y a toujours ce regard empreint d'une humanité bienveillante et détachée qui semble nous dire « J'ai tout vu, pourtant je suis toujours là ! ». Tous les soucis et les tracas glissent sur leur carapace d'un rose aussi tendre que du massepain. Le peintre colombien Fernando Botero est un de ces artistes du XXe siècle parvenus à glisser sa vision du monde, immédiatement reconnaissable, dans l'imaginaire collectif. Mais quel artiste peut bien se cacher derrière ces personnages aux formes rondes et plantureuses ? Voilà le mérite de cette copieuse rétrospective du BAM qui propose un parcours du travail du peintre colombien en 130 œuvres qui s'échelonnent de 1949 à 2019.
Fernando Botero n'est pas venu de nulle part. Si son univers pictural s'est peu à peu détaché du réel pour devenir un monde en soi, l'artiste, qui peint depuis les années 1950, s'est nourri de nombreuses références, à commencer par les muralistes mexicains, l'art précolombien, les arts populaires, mais aussi la peinture de la Renaissance et notamment Pietro della Francesca, qui l'a profondément marqué lors d'un voyage en Italie. Les premières œuvres révèlent un artiste qui se cherche, alors qu'il n'a pas encore affiné son système et sa logique picturale. Marqué par les expressionnistes abstraits américains, il explore une figuration plus âpre et rugueuse comme dans cet Enfant de Vallecas d'après Velasquez ou dans le très expressionniste Apothéose de Saint-Jean. C'est avec les natures mortes que Botero commence à jouer avec les formes et trouve paradoxalement dans la monumentalité de ses déformations une sensualité et une légèreté de la présence de ses sujets. Dans une sorte de suspension poétique, il communique au spectateur un plaisir visuel et presque tactile.
Il ne peint jamais d'après modèle, parce qu'il veut placer un filtre entre lui et le réel, le placer à distance sans pour autant le chasser complètement. Il ne se prive pas de représenter des scènes de villages et de kermesses, ou des personnages qui plus que des portraits sont des personnages génériques inscrits dans la culture populaire de son pays. Mais quand l'actualité devient plus tragique, il n'y reste pas insensible, comme dans les toiles où il représente un tremblement de terre ou des assassinats terroristes. Les formes rondes et la douceur des couleurs peuvent atténuer l'effet de réel, sans pour autant gommer la charge dramatique du sujet.
Une de ses séries les plus étonnantes est sans conteste celle qu'il a consacrée aux tortures subies par les détenus de la sinistre prison d'Abu Ghraib. Choqué par un article découvert dans le magazine The New Yorker, il s'enfermera dans son atelier parisien pour produire une soixantaine de peintures et dessins qu'il va offrir ensuite à l'université de Berkeley, afin que l'horreur de ces actes puisse continuer à hanter la mémoire américaine. Fidèle à ses déformations picturales, il touche dans cette série une dimension spirituelle qui évoque dans son dépouillement les martyres des grands saints de l’Église catholique.
Parfois son système peut tourner à vide, notamment lorsqu'il s'inspire de chefs-d'œuvre de l'histoire de l'art de Velasquez, Raphaël ou Pietro della Francesca. Quand il passe à la représentation d'une représentation, on ne sait pas trop si le résultat est un hommage ou un pastiche. Comment s'approprier complètement un sujet avec de tels modèles ? C'est particulièrement le cas avec sa très anecdotique transposition du Mariage des Arnolfini de Van Eyck, qui peine à exister au-delà du clin d'œil.
Le parcours se conclut par de très beaux grands dessins sur toile, rehaussés de crayon et d'aquarelle. Avec ses personnages de carnaval, l'artiste de plus de 80 ans continue à enchanter par la finesse du trait et la délicatesse des couleurs. Et c'est le cœur qui danse au rythme de la cumbia.
Fernando Botero
Au-delà des formes
BAM (Beaux-Arts Mons)
8 rue Neuve
7000 Mons
Jusqu’au 30 janvier 2022
Du mardi au dimanche de 10h à18h
www.bam.mons.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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