Deux artistes aux approches très différentes dialoguent avec grâce et cohérence, invités aux Abattoirs de Bomel par le Centre culturel de Namur, dans un espace white box tout neuf et très réussi, pour l'exposition One + One. On avait pu découvrir le travail d'Evariste Richer chez Messen De Clercq et les grandes peintures de Marcel Berlanger chez Rodolphe Janssen.
Très concrètement ce dialogue s’est inauguré à travers deux œuvres : Le Saule de Marcel Berlanger et L’avalanche d’Evariste Richer. Le commissaire de l'exposition, Yves Depelsenaire, a choisi comme titre One + One, inspiré du documentaire expérimental sur les Rolling Stones réalisé par Jean-Luc Godard, One + One, ou Sympathy for the Devil, tourné et sorti en 1968.
Deux artistes, donc. L'un qui déconstruit les codes de l'image, les transformant en utilisant comme métaphore du pixel, le dé, par exemple. L'avalanche est une somptueuse pièce d'Evariste Richer (1969), constituée de 70.000 dés posés au sol, représentant l'image d'une avalanche traduite en six nuances de gris équivalentes aux six côtés d'un dé. L'immense surface, à la fois importante par sa taille et fragile par ce qui la constitue - des dés non fixés au sol - est une magnifique ré-interprétation d'une première image, elle-même représentant un phénomène naturel non contrôlable. Même si l'artiste aime à complexifier son image-source, en ajoutant une série de contraintes de réalisation, la puissance de la nature y reste présente. Même chose pour cette immense série de cyanotypes - impressions sur papier bleu utilisées anciennement pour les inventaires scientifiques - reprenant des images de grêlons trouvés sur la toile.
Le réel transformé par un jeu sur les représentations, au fil d'une série de contraintes, voilà le lien qui lie Richer et Berlanger. Marcel Berlanger (1965) peint d'après photo. Pourtant ses peintures grand format ressemblent à d'immenses photos pixelisées. C'est la surface sur laquelle il choisit de peindre - de la fibre de verre - qui crée un réseau similaire à une trame de pixels. Ainsi, Berlanger manie l'art de la révélation, non sans humour. Choisissant comme sujet une tête de mouton, une plante grasse, ... l'artiste joue aussi formellement avec ce qu'il représente. Souvent monochromes, ses peintures dévoilent une transparence délicate, quand elles sont accrochées au centre de la pièce. On y retrouve aussi un jeu de rythmes entre les motifs et le blanc laiteux de la fibre de verre. Cette danse graphique entre le plein et le vide, ou le coloré et le blanc est un autre point qui lie entre eux les travaux des deux artistes. Si l'un pratique l'alchimie du conceptuel plus que l'autre, tous deux jouissent du bonheur de traiter l'image comme bon leur semble, pour le plus grands plaisir de nos mirettes. A voir sans tarder ! Notez le très beau catalogue, deux posters pliés dans une pochette de carton orange.
One + One
Evariste Richer et Marcel Berlanger
Abattoirs de Bomel
18 traverse des Muses
5000 Namur
Jusqu'au 25 mars
Du mardi au dimanche de 14h à 18h
http://centrecultureldenamur.be/
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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