Ville mythique de l’entre-deux-guerres, Berlin a été le carrefour des avant-gardes et des utopies. Avec plus de 200 œuvres majeures, les MRBA témoigne de l’effervescence artistique d’une ville au bord du du gouffre politique et social.
Quand on visite une exposition telle que Berlin 1912 - 1932, il est difficile de s’abstraire de l’Histoire. De ce qui s’est passé en 1933 et dans les années qui ont suivi quand le national-socialisme a définitivement renforcé son emprise sur l’Allemagne et puis le reste du monde. 1912 – 1932, une période charnière dans l’histoire de l’Europe et dans celle de cette ville qui renaît sur les cendres d’un conflit humiliant pour la défunte Prusse. L’art n’est pas seulement le fait des artistes, il est aussi un produit de l’Histoire, dans certaines périodes plus que d’autres. C’est pour cela qu’une chronologie détaillée présente, année par année, les faits marquants de ces deux décennies dans le domaine artistique, politique et social.
La capitale de la jeune république de Weimar est une ville traversé de tensions. Après la boucherie de la Première Guerre mondiale, la population veut oublier, penser à autre chose. Les arts, les sciences sont en pleine ébullition, on rêve d’un nouveau monde. On veut croire à un futur sans le fracas des canons, alimenté par l’utopie politique et les innovations technologiques. Les architectes pensent à la ville du futur, les cabarets font le plein de spectateurs, les rues sont pleines de chômeurs et de soldats démobilisés et démoralisés. Entre cynisme et idéalisme, les arts sortent des cadres pour refléter ces tensions, cherchent et inventent. Les artistes venus de toute l’Europe débarquent sur Alexanderplatz pour s'immerger dans ce creuset cosmopolite des avant-gardes. L’expressionnisme, né avant guerre, est un vertige prémonitoire que reflète les cocottes trop maquillées de Kirchner et la ville insomniaque et hallucinée de Jakob Steinhardt. Le regard cruel et goguenard de Otto Dix et de George Grosz ne pardonne rien aux hypocrites, le trait de plume est acéré. Dans la série de lithos de Max Beckmann, l’Enfer est sur les pavés quand la violence tord le cou des rêveurs politiques. Dada comme une déflagration dévisse les typos et recolle les morceaux. L’abstraction venue de l’Est distille ses paysages mathématiques, Malevitch, Rodtchenko, Moholy-Nagy recomposent les formes.
Il y a aussi le Berlin que viennent visiter les artistes belges comme Victor Servranckx, Jozef Peeters ou Pierre-Louis Flouquet ; le Berlin des cinéastes, des architectes et des photographes, qui composent la symphonie d’une grande ville en chantier permanent, tournée vers le futur et le progrès des masses. En 1929, Horst Naumann peint une toile visionnaire où l’industrie de l’armement et la croix gammée sont les invités d’un grinçant carnaval. Les collages de John Heartfield restitue une société prise dans l'impudique engrenage vers la guerre. Les corps sains des photos de Friedrich Seidenstücker ne font plus longtemps illusion devant les ombres brunes de l’ordre nouveau. C’est la fin provisoire des utopies, en art comme ailleurs. Les artistes se replient sur un art de l’intime comme le beau nu allongé de Max Beckmann ou peignent la métaphore de l’horreur à venir avec Les Chambres noires de Karl Hofer qui comparait les artistes à un sismographe qui pressentent le malheur. Cette capacité à pressentir les tremblements de la société, c’est tout l’objectif du Cabaret-Philo qui, à l’image de leur prédécesseurs berlinois, présente un passionnant programme de musique, performances, débats, danse, work-shops, happenings, poésie, cinéma et lectures-spectacles qui font le lien entre les questions d’hier, les artistes et les réponses d’aujourd’hui.
Berlin 1912 - 1932
MRBAB
3 rue de la Régence, 1000 Bruxelles
Jusqu’au 27 janvier 2019
Du mardi au vendredi de 10h à 17h, week-end de 11h à 18h
www.fine-arts-museum.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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