Été 78 présente 'blissful asphalt', une exposition de Camille Picquot associant photographie et écriture, deux médiums que l’artiste, actuellement résidente au Wiels, a pour habitude de travailler.
C’est d’abord par la photographie que l’on pénètre dans la série 'blissful asphalt', ou plutôt que l’on est dévié d’un tirage à l’autre, tel un reflet de lumière qui se réfléchit de proche en proche. Si certaines photographies semblent impénétrables, leurs surfaces orientent le spectateur tel un faisceau lumineux, induisant ainsi une forme particulière de trajectoire, hachée.
Puis, progressivement, comme un diamant composé d’une multitude de facettes renvoyant chacune la lumière dans une direction différente, les images de la série s’assemblent, l’environnement poétique de Camille Picquot émerge, guidé par cette lumière ; sous la forme fluide de l’eau dans la gueule d’un chien noir, géométrique entre les mains d’une femme debout, en suspension dans un crachat, fragile et diaphane à travers une bâche plastique, aveugle sur des écrans de tablettes numériques...
Cette forme de trajectoire saccadée rappelle également celle des insectes, qui entretiennent eux aussi un lien particulier avec la lumière. Certains, comme les lucioles, la produisent même. Ces insectes, qui par leur disparition, ont intéressés à la fois Pier Paolo Pasolini comme métaphore d’une société révolue, et plus tard Georges Didi-Huberman avec sa réponse plus optimiste dans La Survivance des lucioles, scintillent également dans la démarche de Camille Picquot, notamment par l’écriture.
Ainsi au centre de la pièce, une lettre rédigée dans un alphabet inconnu. Celle-ci est en réalité codée. Le pangramme Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume permet de la déchiffrer, ce qu’a fait l’artiste lors d’une récente présentation de la série. S’adressant à un interlocuteur dans le futur, cette lettre qui décrit une société imaginaire dystopique où des oiseaux tombés du ciel sont réanimés au Red-Bull, traduit néanmoins le refus de toute forme de cynisme, tout comme son auteur, qui est bien Camille Picquot. Par l’écriture, l’artiste réactive certains fragments de ses photographies qui, selon l’éclairage poétique des mots, s’illuminent, deviennent phosphorescents. On retrouve encore les lucioles, ces fragments de lumière disparates qui brillent pour ceux qui savent les voir. "Il faut briller dans le noir façon phosphorescence, brillance discrète du ver luisant. Il faut s’efforcer de rester réceptive aux photons", écrit la photographe qui, par une attention au quotidien et aux choses, organise la poétique d’un regard éclairé.
Camille Picquot
'blissful asphalt'
Été 78
78 rue de l'Eté
1050 Bruxelles
Jusqu’au 25 février
Le samedi de 14h à 18h
www.ete78.com
Journaliste
Diplômée de l’ERG en Arts Visuels, photographe mais pas seulement, Oriane Thomasson s’intéresse à l’art dans tous ses états, avec une prédilection pour les arts non-européen, le dessin, et la peinture. Passionnée de littérature, l’histoire naturelle et les voyages sont pour elle à la fois une source d’inspiration, et de fascination. Après avoir obtenu l’agrégation en arts plastique, écrire pour Mu in the city sur les expositions qu’elle voit lui permet de partager un regard sur l’art, et son enthousiasme pour les artistes.
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