La BRAFA refait le monde

Gilles Bechet
01 février 2023

De retour à Brussels Expo jusqu'au 5 février, la BRAFA rassemble une sélection exceptionnelle de toutes les beautés du monde.

De retour pour une soixante-huitième édition, la BRAFA prend ses aises et la lumière dans les palais 3 et 4 de Brussels Expo. Parcourir les allées de la foire d'art, c'est traverser un musée éphémère où sont rassemblées des œuvres d'art, des objets et du mobilier de toutes époques et tous continents. À peine entré, on n'est pas encore fatigué, mais voilà déjà l'appel d'un banc de François-Xavier Lalanne, à la Galerie Mathivet. Surmonté de deux têtes mobiles de pigeon, il enveloppe son assise en teck d'une coque en aluminium. Cette pièce d'extérieur provenant de la collection de la fille de l'artiste n'a été déclinée qu'en deux ou trois versions et montrée dans la verdure du Hameau de la Reine à Versailles, à l'occasion de l'exposition Les Lalanne à Trianon.

A la galerie milanaise Dalton Somaré, spécialisée en art africain classique, on est séduit par un masque Pende du Congo en bois peint. Par sa forme allongée, presque géométrique, ce masque de félin zoomorphe est d'une étonnante modernité.


Une grande précision

Klaas Muller présente, parmi ses nombreux trésors des 16e et 17e siècles, un vibrant dessin de l'atelier Rubens. Cette chasse au sanglier sauvage est une composition préparatoire à une gravure qui inspirera aussi un tableau du maître anversois exposé au Musée de Dresde.

La curée des chiens sur l'animal, au centre du feuillet, est dessinée avec une grande précision. La partie supérieure, où l'on distingue les chevaux et les chasseurs, est croquée d'une main plus libre et flottante, peut-être par une autre main.

Les admirateurs de Piero Fornasetti apprécieront chez Gokelaere & Robinson un paravent de 1953. Sur cette pièce rare, aux motifs d'oiseaux peints à la main, on retrouve le souci du détail et les trompe-l'œil aux motifs architecturaux caractéristiques de l'artiste et designer italien. Dans cette galerie belgo-française, le design italien côtoie quelques grands noms du design brésilien du 20e siècle peu connus chez nous, avec de très belles pièces en bois Joaquim Tenreiro et Sergio Rodrigues.

La galerie Dina Vierny gère la succession du sculpteur Robert Couturier. Elève d'Aristide Maillol, puis proche de Germaine Richier, cet artiste à la sensibilité brute et élégante s'est presque exclusivement consacré à la figure humaine. La galerie présente deux de ses œuvres. Une filiforme et délicate fille au cerceau de 1952 et Août 96, un bronze de 1996 dont la forme puissante d'un homme agenouillé encadre un vide comme un refuge.

Xie Lei est un artiste chinois qui vit et travaille à Paris. Dans sa peinture aux échos énigmatiques s'entremêlent les influences asiatique et occidentale. Meessen De Clercq expose une tapisserie réalisée d'après l'une de ses toiles et deux petites peintures en format rond, deux variations sur une tête aux formes fuyantes présentée en offrande ou mise à l'abri d'un geste protecteur.


Portrait imaginaire

Chez Simon Studer, un imposante toile de Füssli, le dernier tableau peint par l'artiste d'origine suisse, quelques jours avant sa mort. Installé à Londres, amateur de littérature et de théâtre, il s'inspire de la pièce de Shakespeare King John pour peindre en 1825 ce troublant portrait imaginaire de Lady Constance plongée dans le désespoir.

Au centre de la galerie Morentz, un spectaculaire escalier en spirale en mousse de polyester rouge de Georges Ferran, produit en 1971. Les marches qui se distribuent en pétales autour d'un axe central pouvaient être empilées de façon modulaire en fonction de la hauteur désirée.

On remarquera aussi une belle armoire de Josef Frank produite dans les années 1940, qui combine l'élégance viennoise au fonctionnalisme suédois. Pour ce modèle Flora, le designer couvre le meuble en acajou avec des impressions papier, peintes à la main, extraites d'un livre de botanique sur la flore du Grand Nord.


Elégance et raffinement

Opera Gallery présente une des rares sculptures de l'artiste est-allemand A.R. Penck. Connu pour sa peinture faussement archaïque entre la peinture rupestre et les traits de Keith Haring, il a créé Kosmopolis, une sculpture faite de six cubes en bois modulables pour une exposition à la fin des années 1980. Dans cette œuvre unique, joyeuse et colorée, texte et images se combinent en un rébus de sens et de formes.

Il flotte dans cette édition de la BRAFA un air d'Art nouveau, du tapis plain inspiré par des croquis de Victor Horta aux objets et mobiliers présents chez de nombreux exposants. Mais s'il ne faut voir qu'un seul stand pour ce rappeler toute l'élégance et le raffinement de l'Art nouveau, ce sera sans conteste celui de la galerie viennoise Florian Kolhammer. Verrerie, mobilier, peintures, chaque pièce est exceptionnelle. Une paire de vitrines en triangle de Bruno Paul, une jardinière et des vases de Josef Hoffmann ou un ensemble avec la table éléphant à huit pieds et des fauteuils club d'Adolf Loos.

On s'y assied en pensée.

 

BRAFA 2023
Brussels Expo, Palais 3 & 4
place de Belgique, 1
020 Bruxelles
Jusqu'au 5 février
De 11h à 19h, jusqu'à 22h le jeudi
www.brafa.art

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT

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