Bruxelles sentimentale

Eric Mabille
19 novembre 2016

La Centrale for Contemporary Art de Bruxelles accueille BXL Universel, récit subjectif et sentimental autour de notre capitale, lieu où sens et contre-sens, sensibilités contraires se télescopent dans l’humour et la diversité des points de vue ; un espace de dialogue entre traditions folkloriques et créativité contemporaine. L’esprit bruxellois y est évoqué à travers des documents d’archives, films, photographies et créations originales d’artistes qui y vivent et y travaillent.

Après Connected, BXL Universel vient clôturer cette année de célébration du 10e anniversaire de la Centrale. Elle constitue le premier chapitre d’une trilogie qui s’attache à fêter Bruxelles à travers ses habitants, ses artistes et sa singularité. Deux autres volets suivront, consacrés respectivement à la multiculturalité en 2019 et à la ville utopique en 2022.

L'Exposition universelle de 1958

Point de départ de cette évocation : 1958, année de l’Expo universelle, des grands chantiers, de la bruxellisation et de l’Atomium, symbole universel accaparé de toute part et notamment par l’artiste autrichien Franz Gsellmann qui le place au cœur de sa Machine du Monde. Non loin de là, l’affiche iconique de Lucien De Roeck et quelques documents se partagent une première salle. C’était au temps où Bruxelles rêvait de voyage et de liberté. A côté, le Manneken-Pis revisité par Thomas Lerooy rappelle l’univers macabre de James Ensor.

Viennent ensuite la musique de Brel, de Thielemans et de Stromae, le théâtre de Toone et celui du mariage de mademoiselle Beulemans, l’installation de chapeaux d’Elvis Pompilio, les dessins de Kroll, Dubus, Gal et Schuiten. En face, Marcel Broodthaers prend la pose en photo avec un chameau devant l’entrée du Palais des Beaux-Arts. On évolue entre le fritkot de la place Sainte-Catherine peint par Gillis Houben, les échanges d’invectives bruxelloises des comparses Fred Jannin et Stefan Liberski, jusqu’à la Tour de Brol de Frédéric Etienne.

 

La création contemporaine

Tous ces clins d’œil se retrouvent dispersés aux quatre vents par le Vortex des Délices de Christoph Fink, imposant géant cylindrique dont la tête – ligne du temps de l’histoire de l’humanité – se dissout dans le mouvement et le bruit avant d’ouvrir l’espace à la création contemporaine. La photographie de Vincen Beeckman documente Bruxelles dans un monumental pêle-mêle. Celle de Marie-Françoise Plissart en révèle l’urbanité et l’architecture. L’imposant piano de Charlemagne Palestine se pare d’animaux en peluche de seconde main élevés en divinités, condensé d’un univers personnel ici ritualisé. Le Story Generator d’Ana Torfs nous livre 500 ans d’histoire bruxelloise fragmentée en 500 fiches ; évocation d’une puissance économique et politique acquise au détriment d’autres territoires et d’autres peuples.

L’artiste sud-africain Kendell Geers nous met en garde contre l’aliénation que peuvent engendrer les objets, images et situations avec une installation inédite d’objets momifiés de bandelettes rouges et blanches, dont on ne sait si elles censurent, protègent ou avertissent d’un danger. Bruxelles devient expérience immersive et poétique chez Ann Veronica Janssens et ce ciel filmé en direct du toit de la Centrale. Vient pour clôturer « le langage des fleurs et des choses muettes », comme le disait Baudelaire, et une invitation de Lise DuclauxVivre prend du temps, celui qui s’installe, celui des Plantes de Bruxelles, à adopter !

Ainsi s’achève ce récit subjectif, assise plurielle de notre mémoire collective bruxelloise faite d’unions et de confrontations, d’une tradition devenue art, art d’en rire souvent, art de dénoncer parfois, avec toujours cette volonté de ne pas se prendre trop au sérieux. C’est un peu ça, Bruxelles, un bout de territoire entre réalité et joyeuse fiction où une ville dessine ses contours sur un tissu d’anecdotes savoureuses, souvent moult fois rabâchées, empêtrées parfois dans une difficulté à se réinventer au point d’en devenir caricaturale.

 

BXL Universel
Centrale for Contemporary Art
44 place Sainte-Catherine
1000 Bruxelles
Jusqu’au 26 mars 2017
Du mercredi au dimanche de 10h30 à 18h
www.centrale.brussels


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Eric Mabille

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