Le Centre de la Gravure et de l'Image imprimée, aujourd'hui le CGII, nous convie à une exposition kaléidoscopique où 60 artistes filtrent le monde et ce qu'il imprime en nous.
Emmanuel Lambion entre avec un adieu. Un adieu pour passer à autre chose. Peut-être un adieu à la gravure et à l'image imprimée comme on l'a connue. Pour sa première exposition en tant que nouveau directeur du Centre de la Gravure et de l'Image imprimée, c'est sa marque qu'il imprime avec la volonté de considérer la gravure et l'image imprimée dans tous ses états. A l'heure du numérique, l'imprimé est à la fois une méthode de repli et un terrain d'expérimentations qui peut également s'envisager dans les trois dimensions. Ce sont aussi des empreintes et des traces que nous laisse le monde, et pas seulement sur le papier. C'est de tout cela dont il est question dans les œuvres de la soixantaine d'artistes présentées à La Louvière. Confirmés, émergents ou tout juste sortis d'un école d'art de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ils et elles offrent un kaléidoscope d'images, de mots et de concepts, miroirs de notre époque. Emmanuel Lambion y ajoute aussi une autre pincée de sel, à savoir l'humour, perceptible dans l'affiche comme dans certaines des œuvres exposées, mais pas toutes, loin s'en faut. Derrière le mot-valise qui donne son titre à l'exposition, inspiré du concept féministe "herstory", il y a une envie de dire adieu à une vision cloisonnée de l'histoire liée à l'apparition de l'écriture, en faveur d'une approche transversale et prospective du monde actuel.
Lise Duclaux observe le monde invisible, celui des racines et des taupes. Sur les prints colorés de son coffret A l'horizon profond, elle glisse des dessins et des petits haïkus où elle nous dit que les racines n'ont pas d'idées arrêtées et que la nature a horreur du vide. Dans l'urgence, on est aspiré par le tictac de l'horloge. Le temps ne s'efface pas, il avance. Et la dette, alors ? demande Matthieu Saladin dans son installation avec ses prints à emporter qui nous invitent à réfléchir à l'annulation de la dette. Sismographes des transformations sociales et environnementales, les artistes nous disent le monde comme les canaris dans les mines peints par le jeune artiste Michiel Ceulers, qui compose aussi un dérisoire monument à son œuvre passée sous la forme d'un assemblage de cartons d'emballage, de coupures de magazine et de matériaux hétéroclites. Olivia Hernaiz lance l'alerte en associant jeu et réflexion avec son jeu de société Art and my career, où elle nous invite, à coup de dés, à nous mettre dans la peau d'une femme artiste. Michael Dans questionne aussi nos rôles genrés dans ses séries photographiques grotesques et mélancoliques où il met en scène nos désirs de soumission entre clownesses et bouquets de fleurs.
Dans ses portraits-bouquets imprimés en 3D de la série Yes Pls, Mirko Canessi hybride l'organique et le botanique. Le monde, il ne va pas bien et il se transforme, effeuille Luca Vanello dans une installation où il a déchlorophyllisé des arbustes pour en faire de stériles objets de contemplation. Le collectif Apparatus 22 va à la rencontre de nos corps du futur dans la série Arrangements and Haze où ils impriment au laser leurs textes poétiques sur des toiles de cuir blanc tendues sur des châssis métalliques. Dans sa série Limites, Lucia Bru prend un peu de hauteur sur nos cloisonnements physiques et psychiques avec ses images photographiques d'architectures fantasmées en carton. Chloé Van Oost questionne notre imaginaire dans une installation où le nail art se conjugue aux rituels d'apprentissage, et la gravure sur ongles aux arts divinatoires. Les artistes seraient-ils aussi des sortes de médiums, comme Hanne Lippard, qui revisite une tradition de la Rome antique avec ses tablettes numériques qui dévoilent, non sans humour, les malédictions qui font de la femme moderne encore une esclave. L'humour, il en est encore question chez le pionnier de l'art conceptuel hongrois, Endre Tot. Je serais heureux si..., nous suggère-t-il dans sa série Very Special Gladnesses. S'il suffisait d'essayer ? Alors, rendez-vous dans cent ans, comme nous invite l'artiste japonais Shuzo Azuchi Gulliver qui nous convie au vernissage de l'exposition organisée à Tokyo à l'occasion de son 1000e anniversaire, le 24 août 2947. A vos agendas.
Bye Bye His-Story,
Chapter 5050
CGII (Centre de la gravure et de l’Image imprimée)
10 rue des Amours
7100 La Louvière
jusqu’au 26 septembre 2021
Du mardi au dimanche de 10 à 18h
www.centredelagravure.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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