Nouvelle version de l’exposition montée à paris en 2012 à l’Espace Culturel Louis Vuitton par deux commissaires, David Rosenberg et Pierre Sterckx, Turbulences II est à voir à la Fondation Boghossian. Ludique et suprenante, elle donne à découvrir près de 40 artistes contemporains qui abordent la thématique du mouvement.
Leonard de Vinci a été le premier artiste à s’intéresser directement au processus de la “turbulence”, “mouvement désordonné de la foule” et à employer le mot italien “torbolenza”. Il était fasciné par les flux hydrauliques dont il multiplia les dessins. Au début du 19è siècle, l’ingénieur et physicien françis Claude Navier et le savant anglais Osbrone Reynolds mettent au point les premiers modèles scientifiques des processus de turbulence. Au 20è siècle, c’est Calder avec ses mobiles mouvant au moindre souffle de vent, Tingely et ses machines mobiles, Pol Bury et ses fontaines dont les transvasements d’eau engendrent des mouvements soudains d’éléments qui ont abordé le mouvement.
Que ce soit à l’aide de nouvelles technologies ou de dispositifs rudimentaires, d’images virtuelles ou de dessins, les artistes contemporains ont exploré les multiples potentialités plastiques et philosophiques de la notion de turbulence. S’emparant des 4 éléments: la terre (et son attraction qui fait bouger les métaux attirés par un aiment), l’eau, le feu (qui transforme l’eau en vapeur) et l’air, ils en jouent sans frein pour créer des oeuvres à suivre du regard.
Voici les tirages photographiques de
Etienne-Jules Marey (1830-1904) de ses expériences avec les machines à fumée à 11 voire 57 canaux qu’il construisit: l’air et la fumée dessinent sur écran noir des volutes mystérieuses qui parlent le même langage qu’un fameux fumeur de Havane.
Joe Jones, en 1966, se filme de profil, exhalant des nuages de fumée. Toujours sur le thème de la nuée innattrapable,
Adam Fuss suggère un “Ghost” sur photogramme gélatino-argentique. Deux immenses dessins de
Donato Piccolo envahisse la cage d’escalier: “Explosion of the story” et “Pottasium’s explosion” décrivent d’une manière pseudo scientifique les effets de l’une ou l’autre machine explosant. Un prétexte pour reproduire à la mine de plomb rehaussée de gouache blanche les volutes noires d’une colonne de fumée. Le même artiste romain présente “Rumore di Fondo”, une machine qui produit une délicate ligne de vapeur d’eau.
L’eau, toujours, pour ce tourbillon enfermé dans un globe de verre, de l’artiste anglais
Petroc Sesti.
Lionel Estève dont on a pu voir une très belle installation à La Verrière Hermès, fait voler “Fleur de Rocaille”, dans un tourbillon de multiples colliers de perles de verre.
Ca tourne méchamment aussi chez
Wim Delvoye, avec le bronze poli “Daphnis & Chloé”, qu’on a pu voir au Louvre l’année passée. On pointe la délicate et spectaculaire installation d’
Elias Crespin, avec son cercle de 3M de diamètre de petits tubes de métal flottant dans l’espace au bout de fils de nylon invisibles.
Pe Lang fait sautiller sur de longs fils élastiques de multiples petits anneaux de silicone, comme une page de Braille. Dans une salle à l’étage, sur un large mur, “L’Origine du Monde” de
Miguel Chevalier est une installation de réalité virtuelle interactive: circulez devant les volutes colorées, elles se transforment, intégrant votre présence. Wizzzz.
Turbulences II
Fondation Boghossian
Villa Empain
Bruxelles
Paru en mars 2013 dans L'Echo