Chantal van Rijt propose chez SB34 un travail inspiré par les créations de la nature, un plaidoyer pour un autre regard sur le vivant. Jusqu'au 1er avril.
Inspirée par un texte du linguiste américain E. P. Evans, qui fut un des premiers défenseurs des animaux, la jeune artiste nous invite à trouver la beauté dans l'insignifiant en regardant d'autres mondes, d'autres échelles. Dans Bugs and Beasts before the Law (1894) et surtout dans The Criminal Prosecution and Capital Punishment of Animals, en 1906, Evans s'intéressait aux procès menés en Europe au Moyen Age contre des animaux, porcs, chèvres, rats et insectes, accusés de délits divers et même de meurtres. « Ce qui est intéressant, souligne Chantal van Rijt, c'est que parfois, même si c'était rare, les animaux gagnaient contre les humains. »
Dans l'exposition que la jeune artiste propose au sous-sol du SB 34, un lieu étrange baptisé The Pool, certaines œuvres passent au premier regard inaperçues, comme lorsque l'homme change d'échelle et regarde un monde qui lui est étranger. Chantal van Rijt s'inspire des formes construites et produites par les animaux pour développer un art organique détaché d'une vision anthropocentrique. Posée au centre de la pièce sans fenêtres aux murs blanchis, une carcasse. Comme une silhouette échouée sur le dos les bras écartés, comme l'écorce d'un arbre ou comme une peau abandonnée par un animal gigantesque après sa mue. Pour réaliser cette pièce énigmatique, l'artiste à utilisé de la cire d'abeille et les sécrétions, patiemment récoltées, de la cochenille à laque, notamment utilisées pour les vernis de lutherie. En levant les yeux, on remarque des petites formes agglutinées l'une à l'autre dans l'angle du plafond comme des colonies de coquillages ou d'organismes qui se multiplieraient sur un rocher ou sur une souche. Chantal van Rijt les a appelés tiny tube dwellers. Ils sont hors d'atteinte et on se met à rêver que ces minuscules structures seraient des habitats ou des refuges pour des créatures encore plus minuscules.
Près du mur, sur un socle en ciment, des formes organiques se fondent dans le décor, elles pourraient avoir été posées hier comme il y a des centaines de milliers d'années. Ces formes d'un gris minéral sont des empreintes surdimensionnées de l'abri que produit le puceron sous la feuille de peuplier.
Pour chacune de ses pièces, l'artiste emprunte, avec humilité et respect, des matières et des formes produites par de petites créatures insignifiantes qui nous laissent ainsi entrevoir des fragments de leur univers. L'intrigante image accrochée au mur est une photographie. Une algue bioluminescente qui déploie ses filaments comme des traînées de lumière. La qualité du tirage mat respire des profonds veloutés du noir d'où émerge l'organisme marin. Cette œuvre renvoie à des travaux précédents de l'artiste, où elle explorait les relations et la distance entre le microcosme et le cosmos et comment la science peut parfois se confondre avec la magie. Le lien invisible qui réunit ces travaux est celui qui nous lie à des formes de vie dont, souvent, on ne soupçonne pas la complexité. En remontant vers la surface, on enjambe sans faire attention une rigole remplie d'eau qui encercle la première marche de l'escalier. « Les animaux bannis à la suite de leurs procès étaient exilés sur des territoires de l'autre côté d'un fleuve qui mettait entre eux et les humains une barrière infranchissable que j'ai symboliquement recréée », précise Chantal van Rijt. Le microcosme et le macrocosme, une question de point de vue.
La salle d'exposition The Pool est, avec le Clovis, un des deux sites d'exposition de SB34. Cette structure associative héberge également sur trois sites des artistes en résidence à qui elle propose, outre des studios, des ateliers de formation et discussion et de l'équipement.
A plea for the unpleasant
Chantal van Rijt
SB34
34 rue Saint-Bernard
1060 Bruxelles
Jusqu'au 1er avril
Le samedi de 14h à 18h et sur rendez-vous
www.sb34.org
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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