Chez Melissa Ansel, tout l'or du lien

Muriel de Crayencour
18 février 2022

Charlotte Marchand, Laurent David et Hélène Picard, trois artistes et trois pratiques différentes, mais un seul propos, délicat et subtil, autour du lien. C'est à voir chez Melissa Ansel jusqu'au 27 février.

Pour chacune des expositions chez Melissa Ansel, les artistes et la propriétaire des lieux, l'artiste Valérie Lenders, dialoguent longuement ensemble, par mail ou en se rencontrant, formant ainsi le récit qu'ils veulent construire avec et autour des œuvres. Un fil d'or me sépare de toi, dit le titre. Tout un monde s'ouvre déjà avec ces quelques mots. Le lien, fil d'or de l'amour, de l'amitié, comment le représenter ?

Charlotte Marchand a perdu son époux, l'artiste Frédéric Penelle, il y a deux ans. Pour entrer dans la douloureuse métamorphose du deuil, elle a pris quelques outils de Frédéric, tels la gouge de gravure, et les a rehaussés au fil d'or, enroulé soigneusement et lentement, transformant l'objet abandonné en un petit totem de mémoire. Puis elle modèle de la glaise entre ses paumes, créant de multiples pétales qui sont ensuite rassemblés en colliers. De ta main à la mienne, de ma main à ma main, semble-t-elle dire, avec mélancolie et délicatesse.

Charlotte Marchand a suivi une formation de peintre à l’ENSAV La Cambre. Elle sera par la suite lauréate de plusieurs prix et résidences, comme le prix de la Communauté́ française (2007), le prix Louis Schmidt (2012), la résidence à l’atelier Fonte à Sao Paulo (2018) ou à la Maac à Bruxelles(2014- 2016).

Laurent David utilise l'acrylique sans support, le détournant de sa fonction de mise en couleur. Posé en plusieurs couches sur un support non adhésif, il est ensuite délicatement pelé, comme une peau, et présenté fixé au mur par quelques épingles. C'est une peau, donc, une peau sensible et vibrante, qui frémit au moindre souffle. Comme celles de deux humains qui se rencontrent, se serrent la main et s'enlacent. "De par leur poids, le temps, leurs dimensions, la chaleur, une pléthore de variables, la peinture se déforme, plisse, ploie. Elle tend à s’effondrer comme un surplus de peau ou se tendre comme une peau de tambour", dit-il. C'est un habit fragile comme une feuille d'or pas encore posée, légèrement rosé, tactile, à manipuler avec douceur. Ce n'est pas rien, la douceur.

Laurent David est né à Brest en 1979. Il a étudié à l’ARBA en dessin. Il vit à Bruxelles et est chargé d’enseignement à l’ARBA.

Nous avions découvert Hélène Picard à la Chapelle de Boondael. L'artiste crée tant par la peinture que par la création de costumes. A voir ici, quelques petites toiles lumineuses, mais aussi une grande pièce de tissu peinte, qui fait le lien avec les vêtements : caraco en laine feutrée, ceinture brodée de sequins... Le vêtement comme un message, une présentation à l'autre : regarde qui je suis sous cette grande cape, ce que je raconte de moi avec cet habit perlé. Mais aussi, tissu et fil, bien sûr, matière tissée, comme les liens d'amour. Tissons ces histoires tendres et évanescentes, elles font une vie.

Diplômée des beaux-arts de Paris en section peinture, Hélène Picard vit et travaille à Bruxelles depuis 2016. Elle est lauréate de plusieurs prix et résidences, comme la Casa de Velázquez à Madrid, l’ISCP à New York ou la bourse de recherche du TAMAT à Tournai. Son travail a été exposé au Musée du Costume (Madrid), à la galerie Elizabeth Couturier (Lyon) à ArtMadrid, et récemment à Bruxelles, à la Chapelle Boondael, à la Maison Pelgrims et à Kanal-Pompidou.

Performance de Charlotte Marchand + Marine Horbaczewski ce dimanche 20 février à 16h

 

Un fil d'or me sépare de toi
Charlotte Marchand
Laurent David
Hélène Picard
c/o Melissa Ansel
74 rue des Glands
1190 Bruxelles
Jusqu'au 27 février
Samedi et dimanche de 14h à 18h
www.melissaansel.com


 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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