Parmi les multiples vies d’Agnès Varda, c’est celle - moins connue - de la photographe qui est mise à l’honneur à la Galerie Nathalie Obadia. L’exposition Calder, Richier, Schlegel, Székely par Agnès Varda associe des tirages d’époque réalisés dans son laboratoire argentique, à des tirages posthumes.
L’exposition s’ouvre au rez-de-chaussée avec le court film When Sandy Dreams, réalisé par Varda sur son ami américain, le sculpteur et peintre Alexander Calder. L’artiste, connu pour ses Mobiles - sculptures abstraites nommées ainsi pour la première fois par Marcel Duchamp, composées de fil de fer et de plaques articulées parfois peintes avec des couleurs primaires - pose à la plage pour Agnès Varda avec beaucoup de dérision. L’humour et l’amitié qui lient ces deux grands artistes est palpable, et c’est riant aux éclats, que l’on retrouve sur les clichés du premier étage, un Alexander Calder posant dans la rue, un de ses Mobiles à la main.
Cet arbre heureux, comme l’appelait Agnès Varda, apparaît plus concentré sur ses planches contact. Dans son Cirque, le sculpteur manipule des acrobates suspendus à des fils de fer qu’il active, selon l’expression d’Hans Ulrich Obrist, comme des êtres vivants.
À l’étage supérieur, un très bel accrochage marie de grands tirages d’époque des sculptures de Valentine Schlegel, réalisés par Agnès Varda, à d’autres tirages où l’on peut voir la sculptrice au travail. Les formes organiques de ses céramiques et la sensualité de leurs courbes sont mises en valeur par l’œil de Varda qui n’hésite pas à faire poser son amie de toujours, dans de très belles mises en scène empreintes d’humour, et d’une joie propre à cette époque. Des fleurs sèches, disposées dans les vases de Valentine Schlegel, il semble se dégager un doux parfum, peut-être celui de la nostalgie...
Les photographies prises lors de l’exposition collective de la Galerie Mai, dans les années 1950, donnent à voir les créations du couple Székely, accompagnées de celles d’André Borderie. De doux monstres et d’étranges bêtes s’y côtoient. Leurs œuvres convoquent un imaginaire fabuleux, où les formes végétales prolifèrent aux côtés de céramiques, cailloux gravés et fils de fer entortillés. Plus torturées sont les longues sculptures de Germaine Richier, disparue peu de temps après les prises de vue.
La sculptrice, saisie dans toute la concentration de son travail, semble absorbée dans une temporalité particulière que parvient à restituer Agnès Varda, celui de la création.
La plupart des photographies exposées le sont pour la première fois depuis que la fille d’Agnès Varda, Rosalie, la commissaire de l’exposition, les a découvertes dans les archives de la mythique maison de la rue Daguerre à Paris. En 1954, c’est dans la cour de cette même maison qu’Agnès Varda présentait sa première exposition photographique, en y invitant ses amis. C’est bien d’art et d’amitié qu’est composée cette exposition, qui nous dévoile le regard à la fois profond et tendre que posait Agnès Varda sur ses amis artistes.
Agnès Varda
Calder, Richier, Schlegel, Székely par Agnès Varda
Galerie Nathalie Obadia
8 rue Charles Decoster
1050 Bruxelles
Jusqu'au 5 mars
Du mardi au samedi de 10h à18h
https://www.nathalieobadia.com/fr/
Journaliste
Diplômée de l’ERG en Arts Visuels, photographe mais pas seulement, Oriane Thomasson s’intéresse à l’art dans tous ses états, avec une prédilection pour les arts non-européen, le dessin, et la peinture. Passionnée de littérature, l’histoire naturelle et les voyages sont pour elle à la fois une source d’inspiration, et de fascination. Après avoir obtenu l’agrégation en arts plastique, écrire pour Mu in the city sur les expositions qu’elle voit lui permet de partager un regard sur l’art, et son enthousiasme pour les artistes.
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