Le CID - Centre d’innovation et de design - du Grand-Hornu présente l’exposition Nature morte / Nature vivante, composée d’une trentaine d’artistes, architectes, designers qui s’interrogent sur la relation que l’homme entretient avec le monde végétal.
C’est dans une scénographie sobre et à l’atmosphère apaisante que l’on s’apprête à découvrir le règne végétal, au travers d'œuvres aux réflexions écologiques, poétiques, politiques, esthétiques et expérimentales. “Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, appelée l’ère anthropocène, caractérisée par une empreinte de plus en plus profonde de l’homme sur la nature." Le résultat ? “Une crise écologique sans précédent", explique la cocuratrice Françoise Foulon.
Certains artistes tirent donc la sonnette d’alarme. Parmi eux, Maarten Vanden Eynde, qui présente Plastic Reef. Une installation singulière, ni belle ni laide, composée de débris de fonds marins et de plastique fondu. Une alerte sur la disparition des récifs de corail, dont la mort est inévitablement causée par l’absorption de microparticules de plastique. Chez d’autres, les œuvres sont politiques. Il est clair dans le travail métaphorique de Lois Weinberger, qui glorifie les espèces non désirées et invasives (les mauvaises herbes). Véritable défenseur de la biodiversité, il la confronte à la hiérarchisation et à la sélection des espèces rappelant les atrocités de l’humanité telles la Shoah, le suprémacisme blanc, etc. Ainsi, nous comprenons mieux son Garten : un tas de journaux empilés et ficelés - référence aux événements de notre société - posé dans une bassine en plastique dans laquelle, au milieu d’un semis uniforme de pousses vertes, se développent les fameuses mauvaises herbes... Herbes que l’on retrouve aussi chez le sculpteur américain Tony Matteli, qui en fait son terrain de jeu pour dénoncer à son tour ceux "dont on ne veut pas." Il s’amuse à glisser des sculptures de bronze représentant de mauvaises herbes d’un réalisme désopilant de perfection ! Ici, avec son Weed que l’on rencontre là, posé contre un mur, l’artiste dénonce le sort des migrants, des sans domicile fixe qui, tels de mauvaises herbes, "gâcheraient le paysage".
Les recherches expérimentales sont nombreuses dans le parcours. Xandra van der Eijk asperge des produits ménagers sur des morceaux de zinc, de cuivre, d’acier, d’aluminium dont le résultat esthétique est extrêmement captivant (Future Remnants). D’autres, comme Wieki Somers, utilise de la cendre... humaine ! Dans sa série caustique d’objets du quotidien, on y verra une certaine Anne Lindeboom (présentée par sa plaque nominative 1920-1984) réduite ou réincarnée en grille-pain ! Nienke Hoogvliet, elle, explore les matériaux à vocation écologique, avec Bare Bones, une série d’assiettes en porcelaine blanche faite d’os et de cendres d’animaux, dont certaines sont en miettes, d’autres parfaitement réussies. L’artiste engage une comparaison entre les animaux élevés naturellement et industriellement. La première catégorie rendrait une porcelaine plus tendre et de bonne qualité…
On s’attarde avec ravissement devant les fleurs hyperréalistes en verre soufflé de Murano (Vanitas Daffodils) de Lilla Tabasso, on se laisse aller devant le papier peint de fleurs roses (Wallpaper) de Lieve Van Stappen, pour réaliser qu’il s’agit en réalité d’une vidéo au ralenti dont les fleurs se flétrissent lentement. On s’arrête net devant toutes les œuvres d’Eline Willemarck, dont cette sublime installation reprenant avec élégie les codes classiques de la nature morte du 18e siècle (Past_past in present). Enfin, n’oubliez pas de faire un tour à l’écurie. Vous y trouverez les installations in situ d'Anne Ausloos dont une, impressionnante, constituant une montagne de débris et matériaux trouvés en partie dans les environs du Grand-Hornu (Once in a life time).
Une exposition dont il faut d’abord mettre en avant le sérieux d’un travail curatorial absolument passionnant et dont la diversité des œuvres nous laisse à la fois dans un état de ravissement, d’espoir mais aussi d’inquiétude quant à la réelle importance hiérarchique que nous, humains, accordons au règne végétal, doté pour certains experts d’une “intelligence sensible" (Stefano Mancuso). A voir absolument !
Nature morte/Nature Vivante
Le CID au Grand-Hornu
82 rue Sainte-Louise
7301 Hornu
Jusqu'au 8 mars
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.cid-grand-hornu.be
Journaliste
Diplômée en Histoire de l’Art à la Sorbonne, cette spécialiste de l’art contemporain a été la collaboratrice régulière des hebdomadaires Marianne Belgique et M-Belgique, ainsi que du magazine flamand H art. Plus portée sur l’artiste en tant qu’humain plutôt qu’objet de spéculation financière, Mélanie Huchet avoue une inclination pour les jeunes artistes aux talents incontestables mais dont le carnet d’adresse ne suit pas. De par ses origines iraniennes, elle garde un œil attentif vers la scène contemporaine orientale qui, bien qu’elle ait conquis de riches collectionneurs, n’a pas encore trouvé sa place aux yeux du grand public.
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