Perdre son regard dans le relief de l'immensité contrastée du papier. Se heurter à la fragilité d'un vert dur comme la pierre. Sentir le vent effleurer les hautes herbes. Entendre la musique silencieuse de la nature. À la galerie Marie-Ange Boucher, un aperçu du travail fécond de Claudine Péters-Ropsy est visible jusqu'au 14 février.
Ce sont ses papiers texturés qui sont à l'honneur dans la galerie. Papiers froissés, chiffonnés, rigidifiés, où encre et pigments viennent doucement révéler les plis de la feuille. Les touches de couleurs sont guidées par une main, légère mais sûre d'elle, toujours à la recherche d'une trouvaille heureuse, du trait juste. Une poésie du geste qui vient très subtilement manifester l'intérieur de l'artiste. Aux blancs, on ajoute des nuances de gris, de rouille et surtout du bleu, qui fascine par son intensité. Tous ont cette vibration, cette résonance sourde.
Là-bas, le mouvement se fait plus frénétique, pris dans la spirale d'une tempête de neige. Ici, des notes de musique se glissent parmi d'autres signes pour former un nouveau chant, un nouveau langage. Et toujours ce bleu profond, surnaturel, qui convoque la plénitude. Mais aussi un bleu rehaussé de noir qui, tiré d'un bout à l'autre, rappelle étonnamment un bourdonnement pixelisé sur un écran défectueux. Puisque l'artiste dira, à propos de ces œuvres récentes : « C'est un travail très impulsif sur les réseaux de communication, les vibrations, l'urgence... toute cette folie qui nous entoure, connectés que nous sommes ! » (dans Conversation avec Danièle Gillemon, Éditions Tandem), nous y verrons donc une confirmation de ce ressenti. Et on ira même jusqu'à postuler que ce travail de la matière et de la texture dans ce qu'il a de plus palpable est un contrepoint nécessaire à l'immatérialité croissante de nos sociétés.
Ce jeu tactile avec la matière ne date bien sûr pas d'hier. Étudiante à La Cambre dans les années 1960, elle débute ses expérimentations via le textile ; elle explorera ensuite le végétal puis le minéral avec autant de passion. Des recherches marquées par la volonté, à la fois, de conserver son âme d'enfant et de se former sans cesse à de nouvelles techniques. C'est ainsi qu'elle découvrira l'art de la reliure, la calligraphie, la peinture chinoise, la teinture végétale, la création de pigment, la sculpture. De nouveaux horizons qui lui permettent d'aller toujours plus loin dans le déroulement de sa pensée et de poursuivre son rapprochement intime avec la matière. Une opération réalisée depuis sa maison, véritable laboratoire d'expérimentation en pleine nature. Ce travail, si étroitement lié à sa vie, retentit malgré tout par son universalité et sa connexion tangible au monde qui se déploie sous nos yeux.
Claudine Péters-Ropsy
Rapsody in Blue
Galerie Marie-Ange Boucher
5 avenue du Grand Forestier
1170 Watermael-Boitsfort
Jusqu'au 14 février
Du vendredi au dimanche de 13h à 18h
http://www.galeriemab.com/
Journaliste
Formée à l’anthropologie à l’Université libre de Bruxelles, elle s’intéresse à l’humain. L’aborder via l’art alimente sa propre compréhension. Elle aime particulièrement écrire sur les convergences que ces deux disciplines peuvent entretenir.
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