Xavier Hufkens présente Oranges et Lavande, la première exposition de l’artiste allemand Constantin Nitsche. Les images de cette série de peintures à l’huile oscillant entre réel et fiction semblent des réminiscences venues des tréfonds de l’artiste. Le titre apparaît comme une évocation d’un souvenir lointain avec la juxtaposition énigmatique d’oranges et de lavande. La couleur de ces fruits d’hiver évoque paradoxalement la chaleur et la joie, tandis que le violet des lavandes d’été, une couleur riche spirituellement, renvoie au temps du rêve et de la mélancolie.
Constantin Nitsche ne cherche pas à retranscrire la réalité, mais plutôt à l’évoquer. Il s’inspire de son environnement, des personnes qu’il rencontre, de la nature qui l’entoure. Il peint d’après mémoire et compose des scènes évanescentes dont les indicateurs temporels et spatiaux sont flous. Ces compositions figurent quelques détails très soignés tels une fenêtre ouverte, un personnage, un arbre en fleur, un vase, etc. Il se concentre sur quelques éléments symboliques pour laisser libre cours à notre imagination, à notre subjectivité. C’est une manière pour l’artiste de rendre universel ce sentiment de mélancolie qui nous envahit au regard de ces peintures.
En entrant dans la galerie, devant nous, se présente une œuvre magistrale : Fleur d’Agave, où l’on découvre une femme de profil, au visage placide, figurant sur un arrière-plan de couleur bleue, qui symbolise l’idée du rêve, de la mélancolie. Dans le fond de la composition, une fleur d’agave, qui ne peut fleurir qu’une seule fois avant de s’éteindre à jamais, se déploie. Par cette symbolique, Constantin Nitsche nous confronte à la finitude de notre existence matérielle.
Dans ses peintures, la fenêtre apparaît comme un leitmotiv. Cet élément récurrent fait partie intégrante de la grammaire picturale de l’artiste. La fenêtre, qui fait le lien entre l’intérieur et l’extérieur, symbolise ce passage entre le monde matériel et le monde spirituel. La fenêtre dévoile un ailleurs que l’on doit s’imaginer. La partie du paysage sur laquelle elle s’ouvre laisse transparaître un arbre, peut-être est-ce ici une allusion à l’arbre de la connaissance du jardin d’Eden. Constantin Nitsche cherche-t-il à représenter son paradis perdu ? Dans Remembrances, Jean Moréas faisait déjà de la fenêtre ce lien entre le passé et le présent, ce lieu charnière d’où renaissent les « songes éteints ».
Une œuvre se démarque de l’ensemble du paysage pictural. L’hésitant figure un chat noir au collier jaune sur un arrière-plan sombre et lugubre. Contrastant avec le reste des peintures aux tons chauds, orange et violet. L’hésitant semble présager une catastrophe, l’artiste cherche-t-il à évoquer le destin funeste qui se dessine devant nous ?
Les peintures de Constantin Nitsche sont énigmatiques. La Nonnette laisse apercevoir un visage fantomatique en arrière-plan, comme une réminiscence du passé qui transparaîtrait à travers l’œuvre. L’artiste travaille sans cesse ses peintures, ajoute et enlève de la matière, ce qui laisse au regardeur la possibilité d’imaginer la densité narrative qui se cache derrière chaque œuvre et de découvrir l’entremêlement des récits possibles.
On ne peut qu’être sensible à la dichotomie latente qui émane des œuvres de l’artiste d’apparence faussement simple. Un certain paradoxe émerge entre des éléments atemporels à évocation spirituelle et symbolique (la fleur d’agave, le papillon...) et des éléments contemporains plus matérialistes (la trottinette électrique, le sac en bandoulière, les sandales compensées roses). Une exposition colorée qui offre des représentations d'un présent à la fois simple et sublimé nous obligeant à l'observation tout en nous invitant à l'interprétation. À découvrir jusqu’au 8 avril.
Constantin Nitsche
Oranges et Lavande
Xavier Hufkens
107 rue St-Georges
1050 Ixelles
Jusqu'au 8 avril 23
Du mardi au samedi de 11h à 18h
www.xavierhufkens.com/
Journaliste
Diplômée d’un master en Architecture à l’ULB-La Cambre-Horta et d’un master en Histoire de l’art à l’ULB, cette double formation lui a donné l’opportunité de s’occuper de la scénographie des expositions « Belgian Follies » (2020) et « Superstudio Migrazioni » (2021) au CIVA. Depuis septembre 2018, elle travaille également très régulièrement en tant que guide-conférencière. Elle anime notamment des visites guidées pour Arkadia, Brussels Gallery Weekend et Art Brussels. De 2019 à 2021, elle a enseigné le cours de projet d’architecture en bachelier à la faculté d’architecture de l’ULB-La Cambre-Horta.
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