Pour leur nouvelle exposition chez Clearing, Daniel Dewar et Grégory Gicquel présentent une série de quilts brodés et des bas-reliefs en chêne qui s'interrogent, à la main, sur la place des produits manufacturés dans notre quotidien.
L'aiguille et la gouge, un titre particulièrement bien choisi pour cette nouvelle exposition de Daniel Dewar et Gregory Gicquel chez Clearing. L'outil est en effet central dans le travail du duo d'artistes français qui, depuis leur sortie de l'école d'art, ont appris par eux-mêmes ces techniques artisanales « dites mineures ». Transposées dans le champ de l'art, elles en acquièrent une nouvelle légitimité tout en gardant un caractère disruptif et une certaine fraîcheur. L'essentiel de l'exposition se compose de quilts brodés accrochés aux cimaises comme des tableaux. Jouant des représentations de l'imagerie fonctionnelle, les compositions apparaissent à première vue comme des planches didactiques sur la vie des jardins, mais très vite des incongruités apparaissent. Ici des machines à coudre ou à broder, là des couvre-chefs en tissu pour se protéger du soleil ou encore cravates ou nœuds papillon.
Un examen plus fin de ces planches textiles montre qu'on y retrouve tout le cycle de la vie des sols et l'ensemble des pièces peut se lire comme un paysage circulaire du jardin à la prairie. On peut y voir les interactions entre les plantes et les espèces animales qui s'en nourrissent. Les insectes qui butinent et les lombrics qui se nourrissent du végétal en décomposition. C'est tout le cycle de la permaculture, et celui de la vie même, avec une sorte d'émerveillement détaché. L'irruption des outils industriels textiles est à la fois une mise en abyme de la production des œuvres et un regard critique sur la mainmise de l'industrie sur notre environnement. " Que faire dans une société qui s'est débarrassée des moyens de production au niveau local et où cette production ne prend plus en compte les interactions entre les espèces ", interroge Daniel Dewar.
La précédente exposition du duo dans la galerie forestoise proposait une série de mobilier en bois sculpté avec des apparitions incongrues d'escargots ou des parties de corps humain. Pour celle-ci, le duo a ressorti les gouges pour réaliser des pulls en bas-reliefs : " Comme on ne tricote plus beaucoup à la maison, pourquoi ne pas sculpter un pull ? " Avec la rigueur de documentaristes, ils reproduisent, en tenant compte du fil du bois, les mailles en jersey ou au point mousse. D'un artisanat à un autre.
Dans la galerie arrière, ce sont des tartes aux pommes qui prêtent leurs rosaces fruitées au bois et aux outils du sculpteur. Quand l'odeur du chêne a remplacé celle de la cannelle et du fruit caramélisé, on se laisse à établir des similitudes avec le langage architectural des bordures et des rosaces. Il y a quelque chose d'absurde, mais aussi de rassurant dans la transcription fidèle de ces objets du quotidien de la table de cuisine ou des tiroirs de la garde-robe au mur d'une galerie. L'aiguille et la gouge guidées par la main des artistes ont ce pouvoir transformateur qui fait écho à celui qui permet à nos jardins et potagers de se couvrir, saison après saison, de fleurs et de légumes, sans quoi on ne serait pas grand-chose.
Daniel Dewar et Grégory Gicquel
The Needle and the Chisel
Clearing Brussels
311 avenue Van Volxem
1180 Bruxelles
Jusqu'au 27 mai
Du mardi au samedi de 10h à 18h
www.c-l-e-a-r-i-n-g.com
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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