Le carnaval grinçant de Denis Pouppeville

Gilles Bechet
08 avril 2021

Dans la série de dessins qu'il expose au Salon d'Art, Denis Pouppeville convoque une foule fantasque entraînée dans une curieuse farandole entre le rire et l'oubli.

Quand les squelettes défilent, le cliquetis des os est couvert par les flonflons de la fanfare. Est-ce la dernière valse avant la fin ou la première bourrée après la fin, les paris sont ouverts.

Denis Pouppeville est un jeune homme de 74 ans qui a fait ses premières armes au sein du mouvement Panique et de la revue Le fou parle aux côtés de Roland Topor. Dessinateur, peintre, graveur et illustrateur, il n'a eu de cesse depuis d'explorer un monde où la farce donne le bras au tragique, où les rires des bambocheurs désarticulés se confondent avec le cri des mouettes. On peut y voir les fantômes de fêtards endimanchés et des masques grimaçants d'Ensor toiser les Bourgeois de Grosz, alors qu'on entend au loin la crécelle des calaveras hilares de Posada.

Fidèle du Salon d'Art, Denis Pouppeville a réalisé une série de dessins pour un volume de la collection La Petite Pierre éditée par Jean Marchetti. En découvrant les dessins de ces squelettes cocasses, le galeriste, coiffeur et éditeur lui demande de s'en inspirer pour réaliser une série à exposer dans son Salon. Dans les vingt-cinq dessins à la plume et à l'aquarelle qui composent ces figures bouffonnes, l'artiste convoque toutes les figures qui hantent son imaginaire depuis des décennies. C'est une foule compacte presque à l'étroit dans son cadre où s'accumulent les squelettes qui jouent des coudes avec des messieurs et des dames en chapeau, des clowns arborant un râtelier immaculé et des oiseaux au bec acéré maculé de rouge.

Gibus et chapeaux cloches nous renvoient dans les années de l'entre-deux-guerres, tout comme ces teintes délavées entre le bistre, l'orange et le jaune. C'est un cortège bigarré qui défile, où l'on croise également des mannequins toujours prêts à se relever après la chute. Le trait noir de graveur s'accumule en hachures compactes et semble tourbillonner comme une mouette au-dessus du port, avant de plonger pour fixer son sujet. Dans les trois peintures également exposées, les horizons se dégagent, même si le regard et le geste restent toujours aussi fiévreux. Il y a dans les dessins de ce natif du Havre et fils de marin toute la menace des ciels chargés par les embruns et toute la joie inassouvie des foules de moussaillons en escale.

Les squelettes cocasses, Gilbert Lascault / Denis Pouppeville, 15 €, édition limitée à 500 exemplaires, dont vingt-cinq numérotés et signés par les auteurs, accompagnés d'une estampe originale rehaussée à l'aquarelle.

Denis Pouppeville
Figures bouffonnes
Le Salon d'art
81 rue de l'Hôtel des Monnaies
1050 Bruxelles
Jusqu’au 8 mai
Du mardi au vendredi de 14h à 18h30
Samedi de 9h30 à 12h et de 14h à 18h
www.lesalondart.be

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT