À la Husk Gallery, le peintre Dirk Eelen présente deux séries : la première consacrée aux gaz lacrymogènes, la seconde aux images de caméra de surveillance. Jusqu'au 29 avril.
Les fumées blanches des gaz lacrymogènes ont quelque chose de théâtral. Elles rampent au sol, s'insinuent dans la foule et font disparaître les corps comme les fumigènes sur une scène de théâtre. Sauf que dans la rue, elles piquent aux yeux et ajoutent du chaos à la révolte. Dans sa dernière série présentée à la Galerie Husk, Dirk Eelen a peint des images de manifestations étouffées dans l'ouate des lacrymogènes. Des mobilisations qui ont jeté des gens dans les rues de Belgique, des USA, de Hong Kong, du Pakistan ou d'Iran.
À quelques détails près, il y a peu de différences. Le sentiment de révolte est universel. Ici ou ailleurs, les mouvements de foule se ressemblent Après les gaz pleuvent souvent les matraques, mais dans ces peintures, la présence policière est presque invisible, comme une menace anonyme qui accentue la théâtralisation des images. Dirk Eelen est un peintre des foules, qu'il saisit dans leurs chorégraphies de l'urgence. Il orchestre le jeu d'apparition-disparition du décor et des personnages jusqu’à l'abstraction. Comme une fumée épaisse qui colle au corps et aux vêtements des manifestants, les couleurs sont appliquées sur un fond noir accentuant par là la matérialité fragmentée des gaz dans ces scènes de confusion urbaine.
À l'étage, une deuxième série d'œuvres qui a donné son titre à l'exposition. Sur un mur, dix-huit peintures s'alignent sur trois rangées, comme les écrans de la salle de contrôle d'un réseau de surveillance. Pour cette série, Dirk Eelen a puisé sur Internet des images de caméras de surveillance en Europe, en Afrique, en Amérique ou en Asie, sélectionnées par un moteur de recherche sur base de quelques éléments de contextualisation : nuit, jour, rue, inondation, braquage, promenade, etc.
Face à ces peintures, le spectateur est placé dans une position de voyeur, accentuée par la légère contreplongée de chaque image. Il est celui qui voit sans être vu. Comme le peintre, en quelque sorte. Les scènes de catastrophe ou d'urgence en côtoient d'autres évoquant le repos ou le loisir avec une attirance pour les surfaces et les matières miroitantes. Les personnages ne sont souvent que des silhouettes, mais on peut faire confiance à l'agent de surveillance : dès que la situation l'exigera, il actionnera le zoom pour briser l'anonymat et voler des images à l'insu du sujet. Quand on sort de la galerie, on regarde par-dessus son épaule pour repérer l'œil des caméras qui enregistrent sur leur mémoire momentanée les moindres de nos déplacements.
Dirk Eelen
Surveillance
Husk Gallery
chaussée de Waterloo 690
1190 Bruxelles
Jusqu'au 29 avril
Du jeudi au samedi de 14h à 18h
Ouvert le dimanche 23 avril
www.huskgallery.com
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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