Le Domaine de Chaumont-sur-Loire invite, chaque année, dans son vaste parc et dans les murs du château historique, de nombreux artistes pour un dialogue entre art et nature. Jusqu'au 29 octobre.
Peut-être moins connu que ses voisins de Loire que sont Chenonceau, Chambord, Blois ou Amboise, le château de Chaumont propose dans son écrin de verdure et d'histoire un triple rendez-vous unique avec le patrimoine, le jardin et l'art. Dans le cadre de la Saison d'art, une quinzaine d'artistes et plasticiens sont invités à créer ou à intégrer une ou plusieurs de leurs œeuvres dans un des recoins du vaste parc, du château ou de ses dépendances.
Invité d'honneur cette année, Pierre Alechinsky investit les Galeries hautes du Château, avec une imposante exposition qui comprend pas moins de 274 œuvres imprimées. Il y en a de toutes les époques, de tous les formats et de toutes les techniques. Une œuvre marquée par la présence récurrente d'une terre vivante qui crache par ses volcans, s'ancre dans le sol par ses racines et touche le ciel par ses branches d'arbres pareilles à des serpents. Elle n'en déborde pas moins de belgitude avec des affiches pour le festival exprmtl de Knokke, ses Gilles et ses hommages à Achille Chavée et à La Louvière.
Pascal Convert, que l'on avait pu voir à la Villa Empain dans Melancholia en 2018, a disposé sur une longue table de la salle à manger des candélabres en gypse blanc qui semblent surgir d'un autre temps. Dans la bibliothèque du château, détruite par un incendie en 1957, l'artiste a placé des livres en verre, comme surgis d'entre les flammes tels les reliquats d'une mémoire figée et vitrifiée, dernier geste contre l'oubli.
Des livres encore, avec Stefan Râmniceanu, sauvés des flammes de l'ignorance ou composant le portrait d'un « homme-bibliothèque ». Qu'il s'empare de livres noircis ou de morceaux de bois, il fait de la peinture avec des objets.
Dans la tour du Roi, le Coréen Lee Ufan a suspendu son fil de l'infini qui, par un effet de miroir, fait le lien entre le ciel et le monde souterrain. C'est une œuvre sans récit, sans symbolique, à ressentir par sa simple présence.
Toujours dans le château et dans la tour de Diane, les œuvres baroques Bernard Schultze. Entre peinture et sculpture, ces accumulations de matériaux divers, paille, débris de tissus ou de cordages englués dans de la peinture de teintes vives font penser à une prolifération incontrôlée d'une matière organique ramassée dans une lande désolée.
Dans la cour et la galerie des écuries, il y a les impressionnantes créations du céramiste et tourneur Grégoire Scalabre. Avec L'ultime métamorphose de Thétis, présentée à Venise, il s'est demandé comment transcender le pot. Cette curieuse forme évidée en son centre est composée de 70 000 petites pièces tournées qui évoquent ces trésors qui ont séjourné dans les profondeurs océaniques, où ils se sont couverts peu à peu de coraux et de coquillages. L'artiste y a assemblé 500 kg de porcelaine sur une structure en acier. D'une blancheur nacrée, l'œuvre a son pendant noir, Cygnus, composée de 15 000 pièces recouvertes d'émail noir formant comme une couronne murale qui rend hommage aux cargaisons perdues des vaisseaux de la Compagnie des Indes.
Fidèle du Domaine de Chaumont où il intervient depuis 2010, Bob Verschueren présente cette année deux nouvelles installations réalisées avec des éléments végétaux récoltés dans l'espace environnant. Le clan des voltigeurs est né du constat du retour des martinets dans le parc. Pour les accueillir, l'artiste a créé dans une clairière une œuvre que l'on peut voir de loin. Se dressant sur trois hautes branches dépouillées, elles portent en leur sommet une accumulation de près de 300 petits parallélépipèdes de bois clair prêts à offrir le gîte aux martinets de passage.
Un peu plus loin dans le parc, Lionel Sabatté a créé La Membrane, une œuvre à la beauté étrange, entre l'organique et le végétal. Sur deux structures en fers à béton qui s'imbriquent et se croisent sans se rencontrer, il a posé une gangue composée de ciment mêlé à des pigments naturels, des débris végétaux, mais aussi des peaux mortes, de la cendre et même des ongles. ll a façonné son œuvre sur place en inspiré, dans un dialogue permanent, des formes de la nature environnante.
Dressés dans le parc historique tels des totems, les bois noircis de Christian Lapie apparaissent comme des veilleurs, immobiles et sans âge. Ces figures naissent de troncs d'arbres choisis par l'artiste pour la rectitude de leur fût et ensuite taillés à la tronçonneuse et habillés de noir. A l'œuvre présente dans le parc depuis 2015, Christian Lapie a ajouté pour l'été trois autres groupes de sculptures. Au château, dans la Galerie du Porc-Épic, on peut aussi voir ses puissants fusains de forêts.
Yves Zurstrassen a pris possession de l'asinerie de l'ancienne ferme. Sur les murs blancs, il a accroché ses toiles débordant des forces de l'abstraction comme un kaléidoscope éclaté. Travaillant sur une série de motifs, comme les rosaces, qu'il peint à travers des pochoirs, il combine la répétition et la structure avec la force du geste. L'artiste, qui nous avait habitué à des compositions débordantes de couleurs vives, jaune, orange ou bleu, limite ici sa gamme au noir, aux gris et à une autre couleur. Zurstrassen, qui aime la dynamique de la répétition, des formes découpées et du collage, évoque dans plusieurs de ces toiles la thématique du cosmos, un infiniment loin où dérivent tous les déchets dont on cherche à se débarrasser.
Construit à la fin du XVe siècle, le château de Chaumont a été occupé une dizaine d'années par Catherine de Médicis, qui lui a donné l’essentiel de sa physionomie actuelle. Au tournant des 19e et 20e siècles, la princesse Henri-Amédée de Broglie est la dernière propriétaire privée du château. Elle y installe les commodités modernes et, en même temps, a cherché à lui redonner une partie de son lustre passé, garnissant les appartements « historiques » de mobilier du XVe au XIXe siècles et dotant la salle du conseil d'un somptueux carrelage Majolique, provenant d’un palais sicilien.
Certaines des œuvres s'enracinent et d'autres s'en vont. Au détour de la promenade dans les 14 hectares du parc à l'anglaise, on peut ainsi découvrir entre arbres et bosquets les œuvres pérennes entre autres d'Alison Stigora, Guiseppe Penone ou Jannis Kounelis dans le château.
Le site accueille également un festival international des Jardins, dont l'édition 2023 avec ses jardins éphémères imaginés autour du thème du jardin résilient. Au-delà des œuvres implantées sur le site, le Domaine de Chaumont-sur-Loire invite, à l'occasion du cycle Conversations sous l'arbre, artistes, philosophes, scientifiques ou paysagistes à partager leur vision du monde et de la nature, poursuivant l'expérience singulière de ce lieu à part.
Centre d'arts et de nature
Domaine de Chaumont-sur-Loire
41150 Chaumont-sur-Loire
Jusqu'au 29 octobre
Ouvert tous les jours
Jusqu'au 31 août de 10h à 20h
Du 01 au 30 septembre de 10h à 19h30
Du 01 octobre au 05 novembre, de 10h à 19h
domaine-chaumont.fr
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !
Faites un don pour soutenir notre magazine !