Le musée BELvue met en valeur quelques pépites du Fonds Dotremont pour évoquer les liens méconnus de l’artiste avec le mouvement surréaliste pendant l’Occupation et l’immédiat après-guerre.
Christian Dotremont a 17 ans lorsqu’il publie Ancienne éternité, sa première plaquette de poèmes, qu’il envoie à René Magritte. On est en 1940. C’est le début d’une aventure surréaliste qui mène le jeune artiste jusqu’à la création de CoBrA. Dépositaire du Fonds Dotremont, la Fondation Roi Baudouin le met en valeur avec une première exposition qui jette la lumière sur la période de l’Occupation et du proche après-guerre, des années peu connues du mouvement surréaliste, avec comme guide un artiste en devenir qui se cherchait encore, 20 ans avant ses premiers logogrammes.
L’exposition, qui présente des photos, lettres, affiches, publications et œuvres de Dotremont et de ses contemporains, se déploie comme un jeu de piste savant à travers une période où les artistes avançaient à vue comme dans un épais brouillard. Au début des années 1940, les surréalistes vivaient une période difficile, repliés chacun dans leurs bastions à Paris, à Bruxelles, et dans le Hainaut, évitant toute apparition ou déclaration publique. La liberté, ils la retrouveront dans le film tourné en 1942 par Magritte. Une pépite très peu montrée où l’homme au melon et ses amis s’autorisent à faire et montrer ce qui est interdit en public. Avec même une préfiguration inconsciente des fours de la Solution finale. Attiré par les mots et leur organisation sur la page, le jeune Dotremont va fréquenter les surréalistes qu’il admire mais dont il se sert aussi pour se mettre en avant.
Après Bruxelles, Dotremont va rapidement monter à Paris où il participe à la revue semi-clandestine La main à plume et accorde des interviews dans la presse, où il veille à apparaître comme le futur du mouvement. La fin de la guerre arrive comme un soulagement, mais entre-temps le surréalisme, déjà récupéré par la pub, peine à garder son tranchant iconoclaste. En 1945, Magritte organise une exposition à Bruxelles pour laquelle il demande aux artistes participants de livrer des objets ou des œuvres provocatrices. Dotremont réalise un curieux sapin de Noël décoré d’angelots et de croix gammées, un pied de nez punk avant la lettre, dont il ne reste rien et qui est évoqué en filigrane sur un panneau.
La dernière section présente des toiles et photos de quelques-uns des artistes présents à cette exposition manifeste. Dotremont, qui en veut plus, fonde ensuite le surréalisme révolutionnaire, concrétisé par une publication parodiant une plaquette publiée par André Breton. Les idoles sont là pour être renversées. Mais ce mouvement est de courte durée et c’est là qu’on arrive à CoBrA, qui se profile d’abord en opposition à Magritte en privilégiant le geste spontané et sensoriel. De Pol Bury, qui est de l’aventure, on peut voir une série de toiles où il va découper la forme jusqu’à des jeux abstraits qui préfigurent sa sculpture. Dotremont, lui, ne trouvera pas ce qu’il cherche dans la peinture aux codes surréalistes, dont on peut voir une toile rare et plutôt anecdotique. C’est avec les peintures-mots que le peintre nomade va unir peinture et poésie et ouvrir la voie à ses fameux logogrammes. Mais ça, c’est une autre histoire.
Dotremont et les surréalistes
Une jeunesse en guerre
Musée BELvue
7 place des Palais
1000 Bruxelles
Jusqu’au 9 février 2020
Du mardi au vendredi de 9h30 à 17h
Samedi, dimanche et vacances scolaires de 10h à 18h
www.belvue.be
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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