Eleven Steens, nouveau centre d'art bruxellois

Muriel de Crayencour
25 mars 2019

Eleven Steens est un nouveau centre d'art privé qui s'ouvre 11 rue Steens à Saint-Gilles. Cet ancien bâtiment Belgacom, resté dans son jus, présente quatre grands plateaux baignés de lumière. Une exposition preview sur deux étages a démarré à l'occasion de Collectible et est à voir jusqu'au 17 mars.

Les collectionneurs privés qui décident d'ouvrir un lieu au public à Bruxelles pour présenter soit leur collection, soit leur regard sur l'art actuel, sont de plus en plus nombreux. D'Eté 78 aux deux espaces que Frédéric de Goldschmidt ouvre de temps en temps au centre-ville. De Maison Particulière, aujourd'hui fermée, à la Fondation CAB, en passant par Hangar Art Center, la Fondation A...  Nous en oublions sûrement. Bruxelles est un écosystème riche de ses artistes, de ces lieux d'exposition, de ses férus d'art et de ses collectionneurs qui ouvrent... des lieux d'exposition.

Eleven Steens dédie à la création contemporaine ses futurs 1200 m² d'exposition sur une surface totale de 2500 m², avec une sélection transversale, puisque s’intéressant aussi bien à l’art, au design, aux métiers d’art, à la mode, à l’architecture… ou encore aux arts vivants. Avec un fil rouge, la matière. Les frontières entre beaux-arts et arts décoratifs ont tendance à s'effacer ces dernières années. Nous en parlions déjà ici. Eleven Steens sera un des lieux d'expression de cette tendance.

Lieu alternatif, Eleven Steens se veut plateforme unique et indépendante de rencontres entre jeunes artistes, designers ou artisans avec le public local de Saint-Gilles, mais aussi bien sûr les Bruxellois, et plus largement un réseau de collectionneurs internationaux. Il faut passer par une porte cochère pour pouvoir entrer par l'arrière du bâtiment, qui est aujourd'hui complètement brut. L'idée est de garder cet aspect, les murs et les sols non refaits, la belle cage d'escalier, tout en améliorant les conditions de sécurité, installant un monte-charge, des bureaux. Le dernier étage sera transformé en un appartement, l'appartement du collectionneur. On pourra y voir en visite privée des œuvres de la collection mises en dialogue avec d'autres.

Le propriétaire, d'origine française, a d'abord acheté ce bâtiment pour y stocker sa collection. Ce n'est que dans un deuxième temps qu'il a décidé d'en faire un centre d'art. A deux pas de la petite Porteuse d'eau, à Saint-Gilles, le projet investit un quartier dans lequel l'art contemporain n'a pas encore essaimé. La direction artistique est prise en mains par Jean-Marc Dimanche, qui a créé en 2008, en partenariat avec Florence Guillier-Bernard, Maison Parisienne, une galerie nomade dédiée aux métiers d’art et savoir-faire d’exception, dont il a assuré la direction artistique jusqu’en 2015 (une quarantaine d’expositions en Europe), avant de devenir depuis janvier 2016 conseiller auprès de Son Altesse Royale la grande-duchesse héritière du Luxembourg pour le développement et la transmission des métiers d’art au Luxembourg et en Europe. Il a créé la Biennale Demains de maîtres Luxembourg, dont il est aujourd’hui le commissaire général. La direction générale est prise en charge par Sophie Hasaerts, qui a mis sur pied en trois ans le Hangar H18, aujourd'hui Hangar Art Center, à la place du Châtelain.

Profitant de la foire Collectible, Eleven Steens a ouvert une exposition preview avec quatre jeunes artistes rassemblés sur le premier plateau. Tous sortis l’été dernier de la HEAR - Haute École des Arts du Rhin -, Marine Chevanse, Aurélien Finance, Thomas Roger & Jamila Wallentin, nous proposent chacun une réflexion sur leur matière de prédilection. Ainsi, Marine Chevanse assemble des blocs de papier, feuille à feuille, pour former de petites sculptures d'une grandes délicatesse. Jamila Wallentin travaille la toile, pour un immense cercle formé de bandes de toile soigneusement enroulées. Pendu au plafond, il fait comme un astre étrange et légèrement pelucheux. D'autres, posés au sol, font comme des récipients, à la fois massifs et fragiles.

Aurélien Finance présente des déclinaisons très organiques des napperons qu'il voyait chez sa grand-mère. Chair et crochet ne font plus qu'un, drôles d'organes, un peu viscères, un peu doigts ou seins. Thomas Roger assemble des éléments trouvés : branches, briques, avec d'autres, pour former du mobilier. Ici, une étagère, un banc, tous deux semblant sortis d'un conte de fées.

A l'étage au-dessus, on découvre avec jubilation les Dancing Stones de Gerard Kuijpers. Une dizaine de larges pierres semblent flotter dans l'espace, baignées de la lumière qui vient des larges baies vitrées de chaque côté du long bâtiment. Kuijpers est autodidacte. Il s'empare de morceaux de roches qu'il pose sur une tige de métal terminée par une pointe. La pierre, posée en équilibre, peut tourner, doucement, roche devenue nuage. D'autres servent de plateaux pour des tables, dessertes, tabourets, vases. L'ensemble est formidablement mis en valeur dans l'espace d'Eleven Steens. La prochaine exposition s'ouvrira dans le cadre d'Art Brussels. Un lieu à suivre.

Artefacts
Eleven Steens
11 rue Steens
1060 Bruxelles
Jusqu'au 12 avril
Du jeudi au samedi de 12h à 19h
https://www.elevensteens.com

 

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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