Deuxième exposition bruxelloise chez Maruani Mercier pour Emmanuel Taku, étoile montante de l'art contemporain africain. Jusqu'au 18 mars.
De quoi la femme et l'homme noirs ont-ils besoin pour se sentir l'égal des dieux, se demande Emmanuel Taku. D'une force intérieure, de solidarité et d'unité. En grandissant à Accra, au Ghana, tous les superhéros qu'il voyait à la télé ou au cinéma, tout comme les artistes représentés dans les grands musées occidentaux étaient des Blancs, pas des Noirs comme lui. Incarner le corps et l'identité noirs comme un signe de puissance et d'affirmation de soi. C'est là un des propos de la peinture d'Emmanuel Taku. La galerie de personnages qu'il convoque dans ses toiles semble en route pour une grande célébration. Il y a du mouvement, du défi, pas d'arrogance. Ils apparaissent dans des poses qui évoquent les magazines de mode. Derrière ces déhanchés, ces cambrures, on sent l'assurance. On remarque aussi tout de suite qu'ils ont le regard vide et blanc. Enfant, Emmanuel adorait les films de Superman et il se souvient qu'au moment où l'homme d'acier sentait revenir ses superpouvoirs, ses pupilles disparaissaient et ses yeux se vidaient. « Pour moi, les yeux blancs signifient la force et la puissance », a précisé l'artiste.
Ses personnages ne sont jamais seuls, ils sont souvent à deux, parfois plus. Ce qui les unit, c'est parfois le vêtement qui se poursuit d'un même motif d'une silhouette à l'autre.
Jouant avec le plan de la représentation, il remplit ces formes d’un motif cachemire continu appliqué en sérigraphie. Une fascination qui lui vient des flots de tissus que sa sœur, couturière, ramenait à la maison pour passer sous l'aiguille de sa machine à coudre. En résumant le vêtement par un motif, il brouille les repères entre réalisme et abstraction et joue avec l’idée de camouflage et d’uniforme. Sur le visage, des petites coupures de presse et de magazine sont appliquées comme des scarifications qui parfois dégoulinent sur le cou. Par ces collages, l'artiste renvoie aux stéréotypes de la représentation des personnes noires dans les médias.
Emmanuel Taku, qui vit et travaille toujours à Accra, est un de ces jeunes artistes a avoir connu une ascension fulgurante sur le marché. Il y a quelques années encore, il vendait ses premières toiles sur Instagram pour quelques centaines de dollars. Il est repéré par le collectionneur et entrepreneur Joseph Awuah Darko, qui l'invite à exposer à la Nodor Artist Residency, centre d'art et d'économie sociale qu'il a ouvert à Accra. C'est là qu'il sera repéré par Laurent Mercier et Serge Maruani, qui proposent au jeune artiste un premier solo show à Bruxelles en avril 2021. Moins d'un an plus tard, certaines de ses toiles dépassent déjà le million de dollars en salle des ventes. Avec lui, le talent est définitivement un superpouvoir.
Emmanuel Taku
Upliftment : A God in the Life of Others
Maruani Mercier
430 avenue Louise
1050 Bruxelles
Jusqu'au 18 mars
Du lundi au samedi de 11h à 18h
www.maruanimercier.com
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !
Faites un don pour soutenir notre magazine !