C-mine à Genk présente une rétrospective consacrée au célèbre designer italien Enzo Mari. Cette exposition, montée par les commissaires Hans Ulrich Obrist et Francesca Giacomelli, présente des projets, des modèles, des dessins, des films et des affiches originales. À voir jusqu'au 29 mai.
Enzo Mari, qui nous a quittés à 88 ans en 2020, s’est fait connaître dès le début des années 1960, notamment par des créations d’avant-garde, comme par des meubles à l’épreuve du temps et abordables pour les gens ordinaires. Il a également réalisé d'innombrables œuvres plastiques dont certaines étaient liées à la pédagogie pour enfants comme La Pomme rouge ou La Poire verte (1963).
Son design original se voulait au service du plus grand nombre avec la plus grande utilité. Ses créations, que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de durables, comptent notamment la fameuse cocotte Le Creuset de couleur rouge, un calendrier rotatif universel ou encore ce célèbre jeu des 16 animaux imbriqués dans leur bloc de bois à l’instar des pièces d’un puzzle. Ajoutons des meubles en matière brute (palette, bois d’ouvrage, etc.) conçus par cet homme résolument anticonformiste et qui a toujours lutté contre la société de consommation et ses dérives.
Déjà en 1974, celui qui détestait le mot designer pour lui préférer celui qui réalise des projets, bataillait pour l’élaboration de meubles « faits main » avec des matériaux bruts, détachés des modes et des tendances d’alors. En portant surtout un regard critique sur les méthodes de production et la société du… prêt-à-jeter. Vous l’avez compris, le travail d’Enzo Mari résultait autant d’une rencontre pragmatique que philosophique, avant-gardiste qu’artistique. Entre utopie et réalisme. (Ndlr: nous sommes très proches dans l’idée et très éloignés dans le concept commercial d’une célèbre marque de meubles suédoise…)
Enzo Mari, dont l’œuvre ne se limite pas qu’au design, a entamé sa carrière à la fin de ses études à l’Academia di Brera à Milan. Il a expérimenté de nouveaux matériaux qu’il destinait à des objets fonctionnels, comme des meubles. Il a également été illustrateur et on lui doit également des ouvrages comme les albums sans texte L’œuf et la poule et La pomme et le papillon (L’uovo e la gallina et La mela e la farfalla) conçus à quatre mains avec son épouse, célèbre illustratrice et pédagogue. Il a également enseigné dans différentes universités italiennes et a écrit 15 ouvrages explicatifs et politiques. Ses œuvres sont notamment exposées au Museum of Modern Art de New York, au Palais du Louvre à Paris et à la Galleria d'Arte Moderna à Rome. Il a remporté cinq fois le prestigieux Compasso d'Oro dédié au design industriel.
Déjà présentée à la Triennale de Milan, l'exposition s'ouvre avec une section historique, réalisée par Francesca Giacomelli, qui reprend le contenu d'une exposition rétrospective de l'œuvre de Mari que l'artiste a conçue en 2008 pour la GAM de Turin (Galleria Civica d'Arte Moderna e Contemporanea). Ce projet global regroupait le commissariat, la conception de l'exposition et le catalogue avec un panorama chronologique de l'ensemble de son œuvre de designer, d'artiste, de théoricien et critique utopiste, sans faire de distinction entre les différentes disciplines, médiums ou types de recherche. Cette section historique inclut notamment les Research Platforms, soit dix-neuf études approfondies sur des projets où apparaissent les thèmes fondamentaux chers à Mari. Parfois inédits, elle comprend des croquis, recherches iconographiques, modèles, prototypes, dessins et notes des archives de l'atelier de Mari.
Une section spéciale est consacrée à la Proposta per un'autoprogettazione (1973) de Mari, le manuel gratuit pour assembler ses propres meubles avec un marteau, des clous et des planches. Ce qui n’était pas qu’un simple kit de bricolage était avant tout pensé comme un projet révolutionnaire dans lequel Mari recourait à une technique facilement abordable pour inviter tout un chacun à réaliser son ouvrage.
Hans Ulrich Obrist, curateur de l’expo, a complété ce volet historique par des contributions d'artistes et de designers contemporains internationaux, invités à rendre hommage au créateur par de nouvelles installations comme le projet belge OpenStructures, Tacita Dean, Mimmo Jodice, Adrian Paci, Rirkrit Tiravanija, Nanda Vigo, Danh Vo et Virgil Abloh.
L’exposition comprend, en outre, des documents et entretiens vidéo empruntés aux archives du commissaire Hans Ulrich Obrist, mettant en lumière la vision critique et radicale du design propre à Mari. Cette partie de l'exposition est le résultat d'un dialogue intensif entre Mari et Obrist - autre grand nom de l'art contemporain – qui ont passé au crible plus de 60 ans d'art et de design, d'architecture et de philosophie, d’enseignement et de graphisme. Ancienne mine à charbon qui a fermé ses portes en 1988, le C-Mine est devenu en 1993 un superbe témoignage du passé et un site protégé dédié à la mémoire et aux arts. Le site, qui a conservé ses deux châssis à molettes, possède des bureaux, des ateliers et des bâtiments dédiés à la culture et aux expositions avec un auditoire pour des représentations théâtrales. Le nom C-Mine a été choisi en 2005 avec le C pour « créativité ».
Enzo Mari
C-Mine 10
3600 Genk
Jusqu’au 29 mai 23
Lundi de 13h à 17h
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
www.c-mine.be
Journaliste
Reporter et photographe pour de nombreux magazines et éditeurs, spécialisé dans le tourisme depuis plus de trente ans et après plus de mille voyages, Eric Valenne a plusieurs cordes à son arc...-en-ciel : la nature, l’architecture et l’art. Tous les arts, en fait. Quand je vois une œuvre d’art qui me plaît, quelle qu’elle soit, je sens vibrer en moi une bonne énergie qui m’inspire et réveille ma créativité. Et si elle ne me plaît pas, c’est que je ne l’ai pas comprise. L’art nous donne une direction, un cap. Vers quoi, aucune idée. Mais c’est comme une boussole qui nous mène à travers la vie.
Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !
Faites un don pour soutenir notre magazine !
