La nouvelle est parue dans la presse en août, secouant de surprise les acteurs concernés, provoquant un tohu-bohu d’humeurs et de rumeurs : l’État belge aurait donné pour 1 € la maison d'Antoine Wiertz au Parlement Européen. Et si ce scandale n’en était pas un ?
On le sait, pourtant, que le patrimoine national est – en théorie – vendable. Le prix des bâtiments de l’État belge est en effet très précisément fixé par la Régie des bâtiments et celui de la maison d'Antoine Wiertz, artiste emblématique du mouvement romantique belge, ne représente certainement pas une bagatelle. Mais le problème n’est pas là. Il n’est d’ailleurs même pas question de vendre la maison de l’artiste ni même de toucher à son atelier qui est l’un des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Quel est alors réellement cet accord entre l’État et le Parlement Européen ? Tient-il compte des spécificités muséales ? L'État veut-il se débarrasser d’une partie de son patrimoine ?
« Le Parlement européen a proposé de supporter les frais de rénovation de la maison, actuellement inoccupée, en échange d’une emphytéose gratuite sur cette partie du bien et d’une occupation de celle-ci par le Parlement pendant 50 ans. L’accord ne concerne pas le musée Wiertz mais uniquement l’ancienne maison de l’artiste. Rien ne changera donc pour la collection. L’utilisation de la maison par le Parlement Européen ne pourra entraver le fonctionnement du musée », nous a répondu le cabinet du ministre Jan Jambon. Pour le moment, rien n’est signé mais une collaboration existe en vue d’établir un tel contrat. Quant au jardin, faisant partie de la Promenade verte financée par Beliris, sera-t-il ouvert au public ? Oui, mais « pour autant que la sécurité des collaborateurs du Parlement Européen soit assurée. Les autorités ixelloises seront consultées dès que l’évolution du dossier l’exigera. »
Tout cela est donc tout à fait légal (même si on peut discuter sur le principe). Ce n’est d’ailleurs pas le premier cas de bail emphytéotique entre l’État et une institution privée. La Régie des bâtiments espère même, suite à cet accord, attirer les visiteurs dans le musée déserté « en raison de sa position excentrée et le manque de reconnaissance internationale du travail de l'artiste », nous dit le cabinet de la ministre Elke Sleurs. Depuis des années, le musée est même fermé les week-ends, faute de moyens (éternel problème de la culture de moins en moins subsidiée). À ce sujet, une pétition a été remise à Michel Draguet, directeur des MRBAB en début de ce mois.
Mais revenons un peu en arrière pour comprendre ce que représente vraiment cette propriété de la rue Vautier. De son vivant, l’atelier d'Antoine Wiertz était déjà un musée. Très apprécié des Anglais surtout, l’artiste, peintre et homme de lettres belge – son atelier musée était inscrit dans tous les guides touristiques – était une véritable star ! À sa mort en 1865, il légua à l’État belge sa maison, ainsi que le jardin et l’atelier attenants. Un cadeau chaperonné d’une belle condition : consacrer cet espace à la création d’un musée digne de ce nom, accessible à tous et gratuitement. De 1868 jusqu'à son décès en 1883, l’écrivain flamand Henri Conscience (Le Lion des Flandres) fut le premier conservateur du musée Wiertz. Le lieu connaissait alors un succès phénoménal.
Après cet âge d’or, le musée périclita et la réputation d'Antoine Wiertz à l’international déclina. Pourtant, aujourd’hui, les équipes du MRBDA se battent pour faire vivre le lieu, malgré les coupes budgétaires drastiques. « Depuis 2011, nous avons dû faire 11 % d’économies et on nous demande encore 10 % pour 2017. On se sent lésés, même si on respecte le travail de la Régie qui manque, comme nous, cruellement de moyens. Quel est l’agenda des partis politiques ? Nous n’avons aucune prise là-dessus. On se sent très impuissants », témoigne Samir El-Haddad, responsable de la communication des MRBAB.
La polémique « Wiertz » regroupe en fait deux problématiques : d’abord, « l’attitude cow-boy des institutions européennes envahissant chaque jour un peu plus le territoire ixellois », nous dit Romain De Reusme (PS), l’échevin ixellois des Travaux publics. L’enjeu, c’est de récupérer 25 ares d’espaces verts pour le public dans un quartier qui s’est particulièrement densifié en terme de bureaux. » À cet égard, une pétition de l’Association du Quartier Léopold initiée par Marco Schmitt demande « aux autorités belges et bruxelloises que cesse la déferlante administrative et son cortège de mesures sécuritaires au Musée Wiertz, dans le parc Léopold et vers les quartiers que nous habitons encore. »
La deuxième problématique concerne la culture à Bruxelles où, dans l’écheveau des politiques culturelles, les ministres se multiplient en même temps que les subsides s’appauvrissent. Ce qui est dommage dans cette affaire pour la société belge, c’est ce patrimoine qui s’éloigne. Certains regrettent en effet que l’État ne rénove pas les bâtiments pour les occuper lui-même et ainsi favoriser des activités artistiques. Ce qui nous amène à notre conclusion : est-ce vraiment utile de faire vivre à tout prix les musées monographiques d’artistes aujourd’hui un peu tombés dans l’oubli ? Ne peut-on pas justement utiliser un bâtiment historique comme le musée Wiertz pour présenter d’autres artistes et pas seulement le peintre de L'inhumation précipitée ? Les goûts et les temps changent : doit-on garder en l’état ce qui n’est plus viable ? Pourquoi ne pas faire du musée Wiertz un lieu d’art belge vivant, pouvant par exemple accueillir des artistes actuels ?
La nouvelle est parue dans la presse en août, secouant de surprise les acteurs concernés, provoquant un tohu-bohu d’humeurs et de rumeurs : l’État belge aurait donné pour 1 € la maison d'Antoine Wiertz au Parlement Européen. Et si ce scandale n’en était pas un ?
On le sait, pourtant, que le patrimoine national est – en théorie – vendable. Le prix des bâtiments de l’État belge est en effet très précisément fixé par la Régie des bâtiments et celui de la maison d'Antoine Wiertz, artiste emblématique du mouvement romantique belge, ne représente certainement pas une bagatelle. Mais le problème n’est pas là. Il n’est d’ailleurs même pas question de vendre la maison de l’artiste ni même de toucher à son atelier qui est l’un des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Quel est alors réellement cet accord entre l’État et le Parlement Européen ? Tient-il compte des spécificités muséales ? L'État veut-il se débarrasser d’une partie de son patrimoine ?
« Le Parlement européen a proposé de supporter les frais de rénovation de la maison, actuellement inoccupée, en échange d’une emphytéose gratuite sur cette partie du bien et d’une occupation de celle-ci par le Parlement pendant 50 ans. L’accord ne concerne pas le musée Wiertz mais uniquement l’ancienne maison de l’artiste. Rien ne changera donc pour la collection. L’utilisation de la maison par le Parlement Européen ne pourra entraver le fonctionnement du musée », nous a répondu le cabinet du ministre Jan Jambon. Pour le moment, rien n’est signé mais une collaboration existe en vue d’établir un tel contrat. Quant au jardin, faisant partie de la Promenade verte financée par Beliris, sera-t-il ouvert au public ? Oui, mais « pour autant que la sécurité des collaborateurs du Parlement Européen soit assurée. Les autorités ixelloises seront consultées dès que l’évolution du dossier l’exigera. »
Tout cela est donc tout à fait légal (même si on peut discuter sur le principe). Ce n’est d’ailleurs pas le premier cas de bail emphytéotique entre l’État et une institution privée. La Régie des bâtiments espère même, suite à cet accord, attirer les visiteurs dans le musée déserté « en raison de sa position excentrée et le manque de reconnaissance internationale du travail de l'artiste », nous dit le cabinet de la ministre Elke Sleurs. Depuis des années, le musée est même fermé les week-ends, faute de moyens (éternel problème de la culture de moins en moins subsidiée). À ce sujet, une pétition a été remise à Michel Draguet, directeur des MRBAB en début de ce mois.
Mais revenons un peu en arrière pour comprendre ce que représente vraiment cette propriété de la rue Vautier. De son vivant, l’atelier d'Antoine Wiertz était déjà un musée. Très apprécié des Anglais surtout, l’artiste, peintre et homme de lettres belge – son atelier musée était inscrit dans tous les guides touristiques – était une véritable star ! À sa mort en 1865, il légua à l’État belge sa maison, ainsi que le jardin et l’atelier attenants. Un cadeau chaperonné d’une belle condition : consacrer cet espace à la création d’un musée digne de ce nom, accessible à tous et gratuitement. De 1868 jusqu'à son décès en 1883, l’écrivain flamand Henri Conscience (Le Lion des Flandres) fut le premier conservateur du musée Wiertz. Le lieu connaissait alors un succès phénoménal.
Après cet âge d’or, le musée périclita et la réputation d'Antoine Wiertz à l’international déclina. Pourtant, aujourd’hui, les équipes du MRBDA se battent pour faire vivre le lieu, malgré les coupes budgétaires drastiques. « Depuis 2011, nous avons dû faire 11 % d’économies et on nous demande encore 10 % pour 2017. On se sent lésés, même si on respecte le travail de la Régie qui manque, comme nous, cruellement de moyens. Quel est l’agenda des partis politiques ? Nous n’avons aucune prise là-dessus. On se sent très impuissants », témoigne Samir El-Haddad, responsable de la communication des MRBAB.
La polémique « Wiertz » regroupe en fait deux problématiques : d’abord, « l’attitude cow-boy des institutions européennes envahissant chaque jour un peu plus le territoire ixellois », nous dit Romain De Reusme (PS), l’échevin ixellois des Travaux publics. L’enjeu, c’est de récupérer 25 ares d’espaces verts pour le public dans un quartier qui s’est particulièrement densifié en terme de bureaux. » À cet égard, une pétition de l’Association du Quartier Léopold initiée par Marco Schmitt demande « aux autorités belges et bruxelloises que cesse la déferlante administrative et son cortège de mesures sécuritaires au Musée Wiertz, dans le parc Léopold et vers les quartiers que nous habitons encore. »
La deuxième problématique concerne la culture à Bruxelles où, dans l’écheveau des politiques culturelles, les ministres se multiplient en même temps que les subsides s’appauvrissent. Ce qui est dommage dans cette affaire pour la société belge, c’est ce patrimoine qui s’éloigne. Certains regrettent en effet que l’État ne rénove pas les bâtiments pour les occuper lui-même et ainsi favoriser des activités artistiques. Ce qui nous amène à notre conclusion : est-ce vraiment utile de faire vivre à tout prix les musées monographiques d’artistes aujourd’hui un peu tombés dans l’oubli ? Ne peut-on pas justement utiliser un bâtiment historique comme le musée Wiertz pour présenter d’autres artistes et pas seulement le peintre de L'inhumation précipitée ? Les goûts et les temps changent : doit-on garder en l’état ce qui n’est plus viable ? Pourquoi ne pas faire du musée Wiertz un lieu d’art belge vivant, pouvant par exemple accueillir des artistes actuels ?
Pour rester au courant de notre actualité,
inscrivez-vous à notre newsletter !
Faites un don pour soutenir notre magazine !