Euterpe, muse du XXIe s. ?

Laure Eggericx
24 octobre 2014

Euterpe (2001), Wim Delvoye, estimation 100-140.000 euros, vitrail avec radiographies de couples faisant l’amour, acier, radiographies, verre, plomb, 200 x 80 cm. Vente du 25 octobre à Lokeren.
www.de-vuyst.com


Cette œuvre de Wim Delvoye (°1965), l’un des artistes plasticiens belges les plus en vue, appartient à la veine gothique de son art. Cette vague s’est développée après Cloaca, sa célèbre machine à produire des « merdes d’artistes », ses cochons tatoués, bétonneuses et autres objets usuels blasonnés, au travers de cathédrales, d’édicules en métal, de Christ tordus et de vitraux immoraux. Ses œuvres gothiques ont été exposées de par le monde : à New York chez Sperone Westwater en 2002, à Bruxelles à Bozar en 2010 et au Mamac à Nice la même année. Une de ses chapelles est toujours visible au Mudam, le musée luxembourgeois ayant passé commande à l’artiste qui a conçu en 2006 une chapelle tout en métal, ornée de vitraux dans le même esprit que celui de l’œuvre qui nous occupe et qui sera mise à l’encan par De Vuyst le 25 octobre prochain.

Aux intestins, doigts d’honneur, baisers, crânes et ossements divers qui peuplent les vitraux du Mudam répondent les radiographies de couples flirtant et copulant de cette pièce de 2001. Le principe est similaire, l’idée de Delvoye étant de désacraliser le religieux et ses attributs. Le vitrail devient païen, scatologique, dérisoire, impur, vidé de toute sa substance... Son statut hybride naît du mélange de modèles historiques et de l’imagination débridée d’un artiste fasciné par le Moyen-Age, les héritages artistiques d’hier et les technologies et objets d’aujourd’hui. Il n’hésite pas à combiner pour choquer, contrarier, interroger, en l’occurrence sur l’omniprésence du sexe dans la société actuelle.

Il avait déjà produit des vitraux subversifs et décadents dans les années 1989-90 avec ses Finales, des vitraux médiévaux racontant des matchs de football ! Euterpe fait partie de la série des 9 muses réalisées par Delvoye en 2001. Ses vitraux intègrent des radiographies aux rayons X,  elles -mêmes « X » comme le souligne Hélène Depotte (1) puisqu’il s’agit de scènes sexuelles que d’autres qualifient carrément d’obscènes ! L’ensemble exposé dans un faux mur témoigne de la perte du religieux de notre époque. La lumière que le vitrail transfigurait autrefois en divin sert un message trivial. Cette pièce inédite réalisée avec le soin et le « raffinement » que l’on connait à l’artiste (le métal est découpé au laser) est proposée pour un montant de 100-140.000 euros.

(1) In Wim Delvoye, Paris, Flammarion, 2010

Laure Eggericx