Pour la première fois à Bruxelles, la Galerie Nathalie Obadia accueille Fiona Rae, l’une des peintres abstraites les plus importantes de sa génération. En quelques toiles récentes, cet accrochage permet de suivre les évolutions d’une artiste qui ne cesse de mettre sa pratique picturale au défi pour mieux déployer les possibilités offertes par l’abstraction.
L’œuvre de Fiona Rae est un étonnant cocktail où calligraphie chinoise, couleurs et coulures à l’esthétique très pop, références aux mangas et à la culture digitale nourrissent une abstraction qui oscille entre lyrisme et expressionnisme.
Depuis les années 1980, quand elle prenait part active au groupe des YBAs (Young British Artists) aux côtés de Damian Hirst ou Sarah Lucas, Fiona Rae a défendu la peinture envers et contre toutes les tendances. Au tournant des années 2000, on se souvient notamment de ses toiles à l’esthétique hybride où étoiles, fleurs et autres motifs créés sur Photoshop se mêlaient aux couleurs flashy de ses énergiques coups de pinceau. À l’aube de l’ère digitale, peinture traditionnelle et outils numériques trouvaient un point de rencontre alors inédit.
Ce sont des œuvres bien plus récentes (de 2015 à 2021) qui prennent leur place sur les cimaises ixelloises de Nathalie Obadia. À peine arrivés au haut des escaliers de la galerie, l’intense légèreté de la monumentale Such stuff as dreams are made on nous appelle. Ses teintes tendrement pastel et sa touche éthérée ont la douceur d’une soirée d’été. Plus intense, orageuse même, la série Figment déroule cinq petites toiles au format vertical intégralement réalisées dans des nuances de gris. Un vrai défi pour l'artiste, par ailleurs aficionado de la couleur. Leur surface, animée de volutes et de lignes dynamiques, dessine d’étonnants portraits (mi-visages, mi-nuages) à l’énergie plus contrastée. On le constate déjà, l'œuvre de Rae fonctionne en série, mode opératoire qu'elle affectionne et qui lui permet de déployer toutes les facettes de ses expérimentations picturales.
À l’étage, on découvre une sélection de créations plus récentes telles Abstract 11 (2019) ou Yes I’m alone, but I’m alone and free (2021) ainsi qu’une très intéressante série de petites gouaches sur papier. Toutes ont un fond blanc pour point commun, laissant la couleur éclater et le pinceau, plus libre que jamais, exprimer sa spontanéité. Une blancheur qui rappelle aussi celle de nos écrans. Comme un clin d'œil à l'outil informatique que la peintre n'hésite pas à employer pour retravailler un aplat ou un dégradé. Ondulations, jeux typographiques et symboles inspirés par le design graphique (étoiles, lignes ou flèches, éclaboussures ou petits points) peuplent leur surface d’une vie facétieuse et étonnamment moderne.
Constellations, archipels, paysages aériens ou rébus visuels, les œuvres de Fiona Rae portent en elle un mystère. Elles nous baladent de l’univers des contes de fées à celui de Shakespeare (dont les textes ont inspiré les titres de plusieurs toiles) sans oublier de faire un détour vitaminé du côté de la pop culture. Son travail récent, plus aérien, léger et onirique, nous donne décidément envie de chevaucher les nuages en sa compagnie, comme nous le suggère le titre d’une de ses gouaches, Rides upon the curl’d cloud !
Fiona Rae
Galerie Nathalie Obadia
8 rue Charles Decoster
1050 Bruxelles
Jusqu’au 18 mars
Du mardi au samedi de 10h à 18h
www.galerie-obadia.com
Journaliste
Historienne de l’art avec un goût prononcé pour l’art contemporain, Mylène Mistre-Schaal est collaboratrice régulière pour le magazine culturel Novo. Elle écrit également pour le city-magazine français ZUT et pour la revue Hermès. Co-autrice du livre L’Emprise des Sens aux éditions Hazan, elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports sans cesse renouvelés entre l’art et les cinq sens.
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