(...) Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
Charles Baudelaire, Elévation (Les Fleurs du Mal, 1857).
Le dernier alexandrin de ce poème sert de départ, de noyau et de titre à l'exposition collective à voir aujourd'hui à la Galerie Baronian. Baudelaire écrit son désir d'évasion, son besoin de se purifier à l'air pur. Les artistes invités par Albert Baronian en collaboration avec Catherine Mayeur prennent les fleurs comme objets de leur création. Ils comprennent sans effort leur langage ! La représentation de la flore est une tradition séculaire, puisque déjà les Egyptiens ornèrent leurs tombeaux de fleurs, les Romains leurs villas, les moines du Moyen-Âge les manuscrits et les peintres de la Renaissance les fresques. Sans oublier les estampes orientales et les peintres flamands et hollandais. Les fleurs, leur forme, leurs couleurs, leur grâce et leur fragilité, l'aspect ordinaire ou flamboyant de leur corolle, se prêtent sans façon à toutes les projections, symboliques, sensitives, philosophiques.
Quinze artistes sont à voir ici. Commençons par une surprise de taille, un dessin de Piet Mondrian, qui a réalisé de nombreux tableaux et dessins de fleurs, longtemps discrédités. Pourtant, aujourd'hui, on peut sans peine comprendre le lien formel entre ce petit dessin au crayon et le néoplasticisme. Et on découvre un Mondrian moins austère. Un peu plus poète.
Plusieurs lithographies, très belles, au trait souple et sinueux, de l'artiste américain Ellsworth Kelly. Les fleurs pressées entre deux papiers par José Maria Sicilia – sans doute dans l'atelier de gravure de Michael Woolworth à Paris – sont sublimes, évanescentes, ayant dégorgé tous leurs sucs.
Lionel Estève presse ensemble un bouquet de fleurs des champs qu'il a engorgé de couleurs. Fleurs des champs qu'Emmanuelle Quertain peint sur de petits panneaux avec une fausse innocence. Hans Peter Feldmann installe directement des pots de fleurs artificielles sur le mur. Une installation de fleurs par Sammy Baloji, les planches de botanique de Joëlle Tuerlinckx, les cartes postales d'Oriol Vilanova et d'autres pétales font de cette exposition une proposition à la fois charmante, agréable et riche en surprises. Les fleurs ne sont plus périssables...
« Le langage des fleurs et des choses muettes ! »
Galerie Albert Baronian
2B rue Isidore Verheyden
1050 Bruxelles
Jusqu'au 16 juillet
Du mardi au samedi de 12h à 18h
www.albertbaronian.com
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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