La galerie de la Beraudière nous fait redécouvrir les œuvres de Gen Paul, un peintre français de l'entre-deux-guerres à la touche puissante et colorée. Jusqu'au 7 avril.
Une étrange familiarité se dégage des peintures de Gen Paul. La matière épaisse, les silhouettes de musiciens, les couleurs franches, les perspectives bousculées de paysages parisiens nous plongent dans la riche période de l'entre-deux-guerres. Pour autant, le nom de Gen Paul restera largement méconnu en raison des aléas de l'histoire et d'amitiés encombrantes. De son nom de baptême, Eugène Paul, il a grandi dans le milieu bohème de Montmartre avec un père musicien de cirque et une mère brodeuse. Autodidacte, il a commencé à peindre au contact d'amis comme Utrillo et Juan Gris.
C'est au retour de la Grande Guerre, où il fut blessé et amputé d'une jambe, que Gen Paul abandonne définitivement son métier de tapissier pour se consacrer pleinement à la peinture. Les œuvres exposées dans l'écrin de la galerie de la Beraudière ont été peintes entre 1925 et 1929, période considérée comme sa plus féconde et sa plus aboutie, où il exposera notamment aux côtés de Picasso, Soutine et Rouault. Gen Paul prend alors une voie artistique qui s'éloigne de celle de ses amis du Bateau-Lavoir. Avec une pâte épaisse, des silhouettes massives qui ne tiennent pas en place, des compositions traversées de zébrures, comme vues dans la lentille d'un kaléidoscope, il se rapproche d'une vision que l'on retrouve dans la peinture expressionniste que Gen Paul traite avec une palette aérée et lumineuse.
Il peint ce qui constitue son quotidien, des amis, un étal au marché ou un paysage de gare, mais surtout, guidé par sa passion pour le jazz, il peint l'insouciance et la joie des musiciens. Ses dessins seront par ailleurs réutilisés pour illustrer des pochettes de ses amis Django Reinhardt et Sydney Bechet. Il fut aussi très proche de Louis-Ferdinand Céline, qui venait dans son atelier pour lui lire les pages de ses romans et pour qui il illustra Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit.
Hanté par les traumatismes de la guerre et son attrait pour la dive bouteille, Gen Paul connut des périodes difficiles et artistiquement moins prolifiques. Ce qui est remarquable dans les vingt toiles exposées, c'est que derrière la vigueur de son geste expressionniste, on découvre une touche, parfois plus posée, à d'autres moments plus vibrante, qui semble à chaque fois s'adapter à son sujet. Figure méconnue de l'expressionnisme français, peut-être parce qu'il ne s'inscrit pas complètement dans les canons de son époque ou relégué dans l'ombre d'une amitié infamante, Gen Paul mérite certainement une redécouverte, surtout quand elle permet aussi de pénétrer dans la lumineuse maison construite en 1907 par l'architecte Albert Callewaert, à qui l'on doit le stade Joseph Marien, pour abriter l'atelier du peintre Charles Michel.
Gen Paul, l'expressionnisme français
galerie de la Béraudière
5 rue Jordaens
1000 Bruxelles
Jusqu'au 7 avril
Du mardi au vendredi de 10h à 18h
www.delaberaudiere.com
Rédacteur en chef
Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT
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