A la Laurentin Gallery au Sablon, ne manquez pas d'aller découvrir les œuvres de Geneviève Asse. Cette artiste française née en 1923 a traversé le XXe siècle avec l'amour de la mer chevillé au corps. Peintre et graveur, son goût pour l'abstraction est encore aujourd'hui habité par la représentation de la ligne d'horizon qu'elle aperçoit de la fenêtre de sa maison en Bretagne.
Aux cimaises quelques œuvres des années 1950, dont cette Nature Morte aux Bouteilles, qui nous fait penser au travail de Morandi. Après, cette grande dame de l'abstraction méditative âgée aujourd'hui de 95 ans se fixera sur la représentation de la mer : le ciel, la ligne d'horizon, l'eau, la lumière. Une gamme de bleus tirant vers le gris, parfois la toile couleur lin qui se laisse voir, parfois un trait au crayon rouge. Les peintures sont de toute petite taille et la toile est peinte aussi sur les bords. Toutes sont encadrées avec beaucoup de délicatesse, parfois dans des caissons qui font ressortir la texture de la couleur. Si la toile est découpée en deux rectangles par la ligne d'horizon, le papier passé dans la presse pour la gravure est lui aussi structuré en une courte série de formes géométriques. On y voit aussi ce bleu qui évoque pour tous un ciel marin. "A l'abstraction, je suis venue lentement, par sobriété et économie. Ne garder que l'essentiel, la lumière, en diminue les formes et le graphisme," dit-elle.
Geneviève Asse découvre Delaunay à l'exposition au Pavillon français en 1937. Elle a 14 ans. En 1940, elle entre à l'École nationale des Arts décoratifs. Elle travaille dans les ateliers de Montparnasse et expose au Salon des moins de Trente ans et au Salon d'automne. Durant la guerre 39-45, elle s'engage dans la Résistance avec son frère, est conductrice ambulancière dans la 1ère DB puis volontaire pour l'évacuation des déportés du camp de Theresienstadt. Elle est décorée de la croix de guerre.
Après la guerre, elle dessine pour les maisons de tissus Bianchini-Ferrier, Flachard, Paquin. Elle fait partie dès 1943 du Groupe de l'Échelle avec Jacques Busse, Jean-Marie Calmettes, Michel Patrix. Elle rencontre Samuel Beckett, Nicolas de Staël, Bram et Geer van Velde. Sa première exposition personnelle a lieu en 1954 à la galerie Michel Warren à Paris. Au début des années 1960, elle voyage à Londres où elle apprécie William Turner.
Geneviève Asse s'achète une maison en 1987 à l'Île-aux-Moines (golfe du Morbihan). Elle continue la peinture, le dessin et la gravure, contribuant en 1988 avec d'autres artistes aux vitraux de la cathédrale de Saint-Dié-des-Vosges. En janvier 2014, elle est élevée au grade de grand-croix de la Légion d'honneur. Cette artiste forte, austère, qui a traversé sans frémir les horreurs de la guerre, produit une peinture méditative, audacieuse dans son économie de moyens et pourtant riche de mille évocations : l'air vif, la lumière, ses éclats sur l'eau mouvante, les mouettes qui crient, le bruit des vagues, la plage. Nous pouvons sans difficulté l'imaginer se tenant debout devant la fenêtre, l'esprit au repos, sans attente, le regard pétillant se perdant vers le large, dans un voyage silencieux et vaste.
Geneviève Asse
Laurentin Gallery
43 rue Ernest Allard
1000 Bruxelles
Jusqu'au 17 mars
Du mardi au samedi de 10h30 à 13h et 14h à 18h30
www.galerie-laurentin.com
Fondatrice
Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.
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