La Fondation A expose une vaste rétrospective du photographe congolais Georges Senga. L’occasion rêvée de découvrir ou de revoir le travail de ce jeune artiste qui oscille entre réalité documentaire, traces post-coloniales et histoire personnelle.
Diplômé en sciences humaines et passionné de photographie, Georges Senga (1983, Lubumbashi) se révèle lors d’une rencontre avec la photographe bruxelloise Marie-Françoise Plissart, qui organisait un atelier à l’occasion de la première Biennale Picha de Lubumbashi. D’expositions en résidences, l’artiste se forge un nom en Belgique, où il a été exposé entre autres au Mu.ZEE d’Ostende ou au BRASS à Bruxelles. Aujourd’hui, la Fondation A lui offre ses cimaises jusque fin juin.
A la chute du régime Mobutu, des heurts armés entre le Rwanda et la jeune République démocratique du Congo déclenchent l’exode d’une partie de la population vers la Zambie et le Zimbabwe. Depuis, beaucoup s’y sont implantés, en attente d’un hypothétique retour ou d’un éden rêvé au Canada, en Australie, voire au Danemark. Avec sa série Transit réalisée en 2014, Georges Senga saisit à la fois la tristesse et la tendresse de ces êtres déplacés, déracinés, mais pour qui une vie reconstituée continue.
Deuxième temps fort de l'exposition, la série intitulée Cette maison n’est pas à vendre se compose de 15 triptyques réalisés en 2016 à la Katuba, une commune de Lubumbashi. Au premier abord, le regard s’arrête sur ces façades fatiguées, ces intérieurs à la fois modestes et soignés, laissant ici et là transparaître un passé colonial qui refuse de se faire oublier mais, bien vite, une inscription sur les maisons interpelle. C’est elle qui donne son titre à la série. De quoi s’agit-il ? Ces maisons font l’objet d’un conflit, d’une tentative d’appropriation illégale ou de détournement d’héritage. L’avertissement vise donc quiconque penserait pouvoir en faire l’acquisition. Georges Senga pénètre dans ces maisons, y photographie les objets du quotidien, qui en disent long sur leurs occupants.
Seule série en noir et blanc datant de 2009, les photographies intitulées Empreintes, tout en retenue, dégagent une émotion palpable. Georges Senga y montre des objets usés, cassés, abandonnés, qui forment autant de traces des humains qui les ont manipulés. Ainsi ce bidon en plastique transformé en masque et frappé d’un Made in China sans équivoque, comme un témoin du passé de l’Afrique et sans doute aussi de son avenir. Un jour de 2012, le photographe croise des enfants qui paradent en habits militaires de fortune. Equipés d’armes bricolées de fil et de carton, ils rappellent à l’artiste les enfants soldats bien réels, entrés en héros à la Katuba en 1997, à la fin du règne de Mobutu. « Cela faisait peur, un enfant de 12 ans avec une Kalachnikov », se souvient Georges Senga. Souvent traumatisés, ces enfants garderont des séquelles à jamais. L’image rejoint ici les mots, car l’artiste confronte ces images d’enfants soldats factices au récit terrible d’un enfant-guerrier bien réel.
Le périple se termine sur un travail en cours intitulé Kasongo. Parti à la recherche d’un membre de sa famille à Tongogara, le photographe y renoue avec ses origines. Il y montre des habitants de Kasongo qui se disent arabisés et qui ont une histoire commune comme descendants d’arabo-swahilis ou d’esclaves affranchis convertis à l’islam. Par cette exposition remarquable, la Fondation A met en valeur un artiste qui oscille entre le photojournalisme, l’ethnographie et l’autobiographie distancée mais sensible. A noter enfin que Georges Senga participera à l’exposition collective sur l’art africain que le centre d’art Wiels organise du 25 mai à la mi-août.
Georges Senga
Cette maison n’est pas à vendre
Fondation A
304 avenue Van Volxem
1190 Bruxelles
Jusqu’au 30 juin
Du mercredi au samedi de 13h à 18h
www.fondationastiching.be
Journaliste
Journaliste passionné d’art sous ses diverses expressions, avec une prédilection pour la photographie. La pratiquant lui-même, en numérique et argentique, il est sensible à l’esthétique de cet art mais aussi à ses aspects techniques lorsqu’il visite une exposition. Il aime rappeler la citation d’Ansel Adams : « Tu ne prends pas une photographie, tu la crées. »
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