Guy de Malherbe, le temps des pierres

Dounia Dolbec
01 juin 2023

Comme à chaque exposition organisée par La Forest Divonne, l’espace de la galerie prend une nouvelle forme pour cette présentation des œuvres les plus récentes de l’artiste peintre Guy de Malherbe. Jusqu'au 20 juillet.


La circulation proposée aux visiteurs offre différents points de vue et plusieurs mises en relation des œuvres exposées. L’accrochage sur des cloisons de dimensions variables crée des perspectives, multiplie les angles d’observation, crée des profondeurs et donne la liberté au spectateur de choisir sa position et donc sa vision. Cette disposition spatiale traduit bien l’intérêt de Guy de Malherbe pour les couches, les strates, les reliefs, à l’image de son autoportrait sous l’apparence d’un millefeuille, métaphore de la complexité de nos êtres et de l’accumulation des épaisseurs qui nous constituent. On retrouve ce rapport à la sédimentation dans la représentation d’éléments qui en sont constitués, à l’image des artichauts, des falaises, des rochers ou encore des huîtres.

Ces dernières opèrent une liaison entre les matières grâce aux deux faces de sa coquille, rugueuse d’un côté et douce de l’autre. L’huître est aussi une rencontre entre la roche et l’animal, la rigidité de la pierre et la souplesse du mollusque. Elle symbolise la transformation, incarne une frontière entre le solide et le liquide, le minéral et l’animal. De la même manière, Guy de Malherbe peint des rochers qu’il met en parallèle avec des nus de femmes au sein d’un même tableau ou dans deux toiles qui se répondent. L’organique fait ainsi écho à la pierre et réciproquement, leurs différentes temporalités entrent en correspondance, mais aussi leurs formes et leurs couleurs.


Expérience sensorielle

Le vivant, et donc la mort, sont au cœur de l’œuvre de Guy de Malherbe qui peint des natures mortes, une écrevisse ou un steak et les met en relation avec des corps humains. Si c’est d’abord la beauté de ces sujets qui attire l’artiste, « l’excitation visuelle » qu’il explique ressentir face à eux, il s’agit aussi de parler des cycles de la vie et de donner du goût, du charnel, de la gourmandise à ses tableaux, d’entretenir selon ses mots un « rapport comestible à la peinture ».

Influencé et inspiré par les peintres surréalistes, Guy de Malherbe entretient un rapport instinctif et sensible à la création. Pour lui, la peinture est le prolongement du corps de l’artiste, une manière de résister à la prédominance d’un monde lisse en proposant un art plus proche du vivant, dans lequel la matière est visible et perceptible, une matière qui vieillit et s’altère avec le temps. Le peintre nous propose ainsi une expérience sensorielle qui laisse la place au temps long proche de la temporalité des minéraux. Le titre de l’exposition Pierres d’attente suggère de prime abord ce rapport au temps. Les pierres d’attente sont les pierres faisant saillie en architecture pour relier une façade existante avec une autre surface à l’avenir. Ce sont donc des composantes qui attendent la venue de nouvelles constructions, qui sont la condition de nouvelles créations. De la même manière, les peintures de Guy de Malherbe jouent ce rôle de pierres d’attente entre elles, dans la mesure où elles s’inspirent et se répondent les unes aux autres pour faire apparaître des couches, des relations, des liens et offrir des ouvertures vers d’autres possibles.
 

Guy de Malherbe
Pierres d’attente
La Forest Divonne
rue de l’Hôtel des Monnaies 66
1060 Bruxelles
Jusqu'au 20 juillet
Du mardi au samedi de 11h à 19h
www.galerielaforestdivonne.com

Dounia Dolbec

Journaliste

Après une formation en danse classique et contemporaine au conservatoire et des études à Sciences Po, elle s'installe à Bruxelles pour se consacrer à la danse et à la chorégraphie. Journaliste pour le site Mu in the city et le magazine Mouvement, elle s'empare de l'écriture pour partager son goût pour toutes les formes de création contemporaine et sa conviction que l'art a le pouvoir de changer la petite et la grande histoire.