La Fondation A Stichting présente One, Two, Three, More, une exposition de la photographe new-yorkaise Helen Levitt. A découvrir jusqu'au 10 avril.
Celle qui fut souvent comparée à Henri Cartier-Bresson et qui a côtoyé de près Walker Evans, a commencé par photographier les graffitis des rues de New York, sa ville natale. Comme une invitation, c’est par un mur entier de cette collection de dessins éphémères, ces gribouillis par lesquels s’exprime celui qui s’approprie l’espace de la rue, que débute l’exposition.
C'est surtout à ceux qui les ont tracés pour leurs jeux, les gamins des rues, que s’intéresse la photographe documentaire. Avec empathie, Helen Levitt dresse le portrait de cette enfance des rues de Harlem, qui puise joie et insouciance dans ces interminables jeux dont les seules limites sont celles de l’imaginaire. Au fil de ses photographies, les habitants des quartiers populaires redeviennent les acteurs d’un grand théâtre, dont la représentation se tient chaque jour dans les rues de la ville. Composé de scènes quotidiennes, c’est ce cours, qui est celui même de la vie, que le spectateur peut suivre grâce à un affichage en ligne, permettant de rentrer dans l’intimité de ces petits tirages argentiques.
La sobriété de cet accrochage s’accorde parfaitement avec le travail d’Helen Levitt. Sans emphase mais toujours avec justesse, l’artiste a mis en place tout au long de sa carrière une pratique photographique qualifiée d’antispectaculaire. La poésie dont se saisit la photographe américaine est fugace, discrète. Elle peut surgir à tout moment ; un regard échangé au détour d’une rue, l’expression particulière d’une main qui désigne, ou encore l’étrangeté comique d’une rencontre. Il semble alors que la beauté qui attendait tapie dans un repli de vie quotidienne surgisse, tout à coup. Et c’est cet instant qu’Helen Levitt photographie. Quelques minutes plus tôt, le jeu de l'enfant n'avait pas encore éclaté, une seconde plus tard, et la belle assurance de ce corps de femme dans l’attente d’un taxi ne suggérait déjà plus ce doute de soi qui saisit celui qui se sait regardé. Parfois comique, ici touchant, là absurde, mais toujours précis, il s’agit de cet instant, que certains appellent décisif, dans lequel se manifeste pleinement le sens profond enfoui au cœur d’une situation. Sans y rentrer trop profondément, Helen Levitt a su se tenir à la juste distance de ces moments pour être intime, sans indécence. Ainsi, grâce à un calibrage subtil, elle sait se rendre présente et poser son regard sans troubler pour autant son sujet. Par cet équilibre se construit la posture documentaire de la photographe.
Le souci d’une dimension sociale est également perceptible dans une très belle série - tendre et drôle à la fois - exposée sur un mur à part, et qui se compose d’une galerie de portraits de gens dans le métro. Les transports en commun ont souvent été un lieu privilégié par les photographes, car là se rencontrent parfois ceux qui ne se croisent pas ailleurs. Dans ce mélange des différentes couches sociales, on sent percer le regard de la socialiste qu’était Helen Levitt.
Lorsqu’elle passe à la couleur, à la fin des années 1950, l’effervescence d’une société américaine en pleine ébullition, et le melting-pot des rues de New York y trouve ses propres couleurs, mais toujours avec la douceur du regard de cette photographe qui se joue du spectaculaire. La superbe exposition de la Fondation A Stichting fait la part belle à cet aspect du travail d'Helen Levitt, et le spectateur pourra y découvrir un grand nombre de ces photographies aux tons acidulés, qui sont également projetées sous forme de diapositives.
Helen Levitt
One, Two, Three, More
Fondation A Stichting
304 avenue van Volxem
1190 Bruxelles
Jusqu'au 10 avril
Du mercredi au dimanche de 13h à 18h
fondationastichting.com
Journaliste
Diplômée de l’ERG en Arts Visuels, photographe mais pas seulement, Oriane Thomasson s’intéresse à l’art dans tous ses états, avec une prédilection pour les arts non-européen, le dessin, et la peinture. Passionnée de littérature, l’histoire naturelle et les voyages sont pour elle à la fois une source d’inspiration, et de fascination. Après avoir obtenu l’agrégation en arts plastique, écrire pour Mu in the city sur les expositions qu’elle voit lui permet de partager un regard sur l’art, et son enthousiasme pour les artistes.
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