Henry Moore, Mondrian, l'or des Incas... Paris

Muriel de Crayencour
13 janvier 2014
Dialogue avec les objets trouvés



Henry Moore collectionnait les coquillages, les cailloux, des morceaux d’os. Dans son atelier, trônait un crâne d’éléphant et un crâne de rhinocéros. Le sculpteur anglais s’en servait comme base de travail, les croquant pour en tirer une ligne intérieure, une structure, le squelette de ses futures sculptures. Et c’est parfaitement visible dans celles-ci, dont l’inoubliable « Roi et reine » ou  « The Arch »,  qui est à voir dans la cour de l’hôtel Biron.

Pour évoquer l’atmosphère de l’atelier de Moore à Perry Green, en Angleterre, devenu aujourd’hui la Fondation Henry Moore, le musée Rodin présente plus de cent cinquante sculptures, deux pièces monumentales, une cinquantaine de dessins et trois albums de croquis, ainsi que des débris de toutes natures que l’artiste ramassait au cours de ses promenades et parmi lesquels il travaillait. Cet ensemble retrace la carrière de l’artiste de 1930 au début des années 1980. C’est première grande rétrospective Moore organisée à Paris depuis plus de trente ans, et l’occasion de renouer les liens établis dès 1956 entre le sculpteur anglais et le musée Rodin.



En entrant dans l’exposition, on découvre une série de dessins remarquables, dans lesquels la genèse du geste du sculpteur se dit. « Etude pour perspective dans le métro » est issu d’un carnet de croquis exécutés durant la guerre 40-45. On y voit des silhouettes couchées, comme dans le ventre de la baleine. D’autres dessins évoquent une mère à l’enfant, des formes plus abstraites. Des petites maquettes d’atelier, en plâtre, avoisinent les coquillages et bouts d’os. De nombreuses photos, émouvantes, montrent Moore dans son atelier. On passe, plus loin, à des sculptures d’étude, en petit format. Une « Figure à corde », en plâtre coloré et ficelle, évoque les années 50, voire le Gaffophone de Franquin. Toute une époque, mais aussi une rare puissance dans les volumes… Henry Moore creuse les formes, les grignote jusqu’à la moelle. L’ambiance de l’atelier est magnifiquement reconstituée. Du croquis à la maquette, puis à la sculpture « de travail », on arrive à quelques grandes pièces dont la « Figure couchée, angles », de 1979, une femme couchée dont le visage est tourné au loin, hors de l’axe des bras, des hanches et des genoux, qui ondulent comme un paysage de creux tendus. « D’un point de vue sculptural, disait Henry Moore, le fait de placer une forme à l’intérieur d’une autre confère à l’ensemble un mystère qui l’empêche d’être explicable sur le champ…. Si tout est évident, on regarde, on reconnaît, puis on se détourne. » Le mystère du travail de Moore reste magique.



 
Henry Moore. L’atelier
Musée Rodin
Paris 

Mondrian déployé

De Stijl fut une revue sur l’art et l’architecture, dirigée par Theo Van Doesburg. Laboratoire d’idées, elle rassembla de 1917 à 1931 les interventions de peintres et architectes dont Mondrian. Dans l’exposition Mondrian/De Stijl à voir au Centre Pompidou, voici explicitée une clé de lecture pour la compréhension des sources du mouvement moderne au 20 ème siècle. Malgré le rayonnement artistique des fondateurs de De Stijl, dont Piet Mondrian, Theo Van Doesburg et Gerrit Rietveld, cette plate-forme d’avant-garde n’avait jamais fait l’objet d’une grande rétrospective en France. Le premier manifeste du mouvement appelle à un nouvel équilibre entre l’individu et l’universel et milite pour la libération de l’art des contraintes du culte de l’individualisme.

La peinture, la sculpture, la conception de mobilier et le graphisme, l'architecture et bientôt l'urbanisme sont les supports de cette expérimentation conduite simultanément. La spatialité de l'oeuvre d'art passe progressivement du statut de support d'analyse du monde à celui d'agent de construction de l'environnement social et politique de la ville. À ce titre, elle constitue une expérience du monde, elle ordonne le monde et donne corps à la communauté. En entrée d’exposition, la genèse du mouvement est présentée à travers des œuvres de ses fondateurs, dont de très beaux vitraux de Van Doesburg. Au centre, se déploie la rétrospective consacrée à l’œuvre de Mondrian, des tableaux « réalistes » de ses débuts – dont une belle série de toiles représentant des arbres, qui se stylisent de plus en plus-, à la transformation de son œuvre vers la radicalisation de ses choix. C’est à partir de 40 ans que Mondrian développe l’œuvre qu’on lui connaît le plus. Son langage formel se radicalise. « A l’âge où Van Gogh meurt, Mondrian est encore un peintre comme les autres. C’est le cubisme qui lui permet de trouver sa voie. Pour lui, la peinture n’est plus un moyen d’expression individuelle, ni un moyen pour prendre des choses vues, elle devient organisation de l’espace. » Pour Piet Mondrian à la recherche de ce qu’il appelle « l’universel », il faut d’abord purifier les éléments, exclure le hasard. Lignes noires, formes rectangulaires, couleurs primaires : c’est un grand plaisir de découvrir les toiles  de sa période « néoplasticienne », et l’œil s’y retrouve à la suite des œuvres de jeunesse.

« Il faut bien connaître l’œuvre néoplasticienne pour savoir qu’elle exprime le rythme de la vie, comme tout autre peinture, mais dans son aspect le plus intense et le plus éternel. » expliquait l’artiste en 1931. Magnifique « Composition dans le losange avec 4 lignes jaunes », datant de 1931. Dans la suite de l’exposition, on découvre l’influence du mouvement De Stijl dans l’architecture, l’architecture intérieure, les arts décoratifs. Belles pièces de mobilier de Rietveld, dont sa fameuse chaise, des plans et dessins de l’architecte Mies Van Der Rohe. Emouvant, en contre-point, un film tourné dans le dernier atelier de Mondrian, 15 East, 59th street, à New YorkCity. Une rétrospective très courue et qui le mérite.
Mondrian/De Stijl
Centre Pompidou
Paris

L’or divin


Considéré comme la « sueur » du soleil, divinité suprême du panthéon animiste inca, l’or y est étroitement associé au rituel religieux. L’empereur inca étant l’incarnation humaine du soleil, l’or est également central dans la représentation du pouvoir. C’est un outil de différenciation sociale pour l’élite et un élément indispensable du trousseau funéraire du défunt. Il se décline en une grande variété d’objets, tous présents dans l’exposition à voir aujourd’hui à la Pinacothèque. Les Incas ont dominé les Andes durant un siècle (1400-1533). Lorsqu’ils s’installent dans la région de Cuzco au XIIIème siècle, dix civilisations s’y sont déjà succédées. Les Incas sont donc les héritiers de traditions sophistiquées élaborées pendant plus de 3000 ans. Couronnes, diadème, boucles d’oreilles, ornements nasals, épingles… sont à découvrir à travers deux cent cinquante-trois œuvres émanant des plus prestigieux musées péruviens. La plupart de ces objets ont été retrouvés dans des tombes.Ils témoignent de la haute maîtrise technique des orfèvres de l’époque, mais ils soulignent surtout l’importance de ce métal et de sa force symbolique lors des manifestations rituelles de cette civilisation disparue. La scénographie de l’exposition est particulièrement didactique, et on peut admirer, dans la dernière salle, une momie repliée en position foetale. A voir sans souci avec les enfants, qui y retrouveront les « Sept boules de cristal » de Hergé et d’autres références auxquelles ils sont sensibles.
L’or des Incas. Origines et mystères
Pinacothèque
Paris 

Paru en 2011 dans L'Echo

Muriel de Crayencour

Fondatrice

Voir et regarder l’art. Puis transformer en mots cette expérience première, qui est comme une respiration. « L’écriture permet de transmuter ce que l’œil a vu. Ce processus me fascine. » Philosophe et sculptrice de formation, elle a été journaliste entre autres pour L’Echo, Marianne Belgique et M Belgique. Elle revendique de pouvoir écrire dans un style à la fois accessible et subjectif. La critique est permise ! Elle écrit sur l’art, la politique culturelle, l’évolution des musées et sur la manière de montrer l’art. Elle est aussi artiste. Elle a fondé le magazine Mu in the City en 2014.

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