La tour qui ne voulait pas disparaître

Gilles Bechet
17 mars 2023

Les bureaux d'architecture 51N4E et l'AUC racontent dans un ouvrage abondamment illustré comment ils ont mûri les réflexions qui ont conduit la réhabilitation de l'ancien World Trade Center du quartier Nord en un nouveau bâtiment aux fonctionnalités hybrides.

C'était un marqueur du paysage bruxellois depuis plus de quarante ans. C'était aussi une des dernières traces d'un projet mégalomane d'un quartier d'affaires et de connexions autoroutières pour lequel on a rasé 53 hectares et expulsé 11.000 habitants. Les tours du World Trade Center bruxellois n'ont pas été à la hauteur de leurs promesses. Propriétaire des Tours 1 et 2 , le groupe Befimmo s'est posé la question de leur avenir. Alors que les premiers bureaux d'architecture consultés prônaient une démolition pure et simple pour recommencer à zéro, ils ont décidé, contre toute attente, que les deux gratte-ciel ne seraient pas démolis, mais réutilisé et réimaginés de fond en comble.

Mettant fin à la vision monofonctionnelle d'un quartier de bureaux, déserté en soirée et coupé du quartier environnant, ils ont opté pour un bâtiment aux fonctions hybrides qui cumule du bureau, du logement et un hôtel. Plutôt que de publier un ouvrage qui célébrerait l'achèvement du nouveau bâtiment une fois terminé, les bureaux d'architecture 51N4E et l'AUC ont préféré revenir en détail sur les différentes étapes et réflexions qui ont abouti au projet ZIN.


Engagement sur la circularité

Illustré de grandes photos pleine page, il revient sur la gestion du trauma urbain laissé par la démolition du quartier Nord. Les premières pistes de réflexion activées par le projet Hybrid Business Districs qui a vu pendant un an les plateaux désertés, occupés et loués à des écoles d'architecture, bureaux d'urbanisme, associations de quartier et autres structures associatives à qui l'on demandait, en échange d'un loyer très modeste, d'offrir leurs compétences et leurs services aux autres occupants et aux habitants du quartier.

Le nouveau bâtiment, baptisé ZIN, est construit sur la structure des anciennes tours, réunies par un nouveau volume dont les plateaux s'insèrent « en zèbre » dans ceux des deux tours. Le nombre d'étages de ce nouveau volume est divisé par deux, offrant le double de hauteur de plafond et un maximum de flexibilité. Le bâtiment est aussi exemplaire sur les économies d'énergie et dans son engagement sur la circularité à travers le réemploi et le choix des matériaux (93 % de recyclage et de réemploi), mais aussi dans la réversibilité des espaces pour permettre tous les futurs changements.

L'art n'est pas absent du projet, avec des interventions demandées à Laure Prouvost, Ana Torfs, Sammy Baloji et Valerie Mannaerts. Les curatrices Valerie Verhack et Hilde Teerlinck, mandatées par la Région flamande qui occupera les bureaux, avaient fait la proposition innovante d'inviter l'artiste Jean Katambayi Mukendi d'habiter et de travailler sur place et d'y produire des œuvres pendant la durée du bail, à savoir 18 ans, l'artiste et son art devenant ainsi partie intégrante du bâtiment et de son évolution. Cette proposition n'a pas pu être concrétisée pour des raisons contractuelles. Mais l'idée était belle et réapparaîtra peut-être ailleurs.

 

How to not demolish a building | Ruby Press | publié par 51N4E, l'AUC | 152 pages 28 € | www.51n4e.com |  www.laucparis.com

Gilles Bechet

Rédacteur en chef

Il n’imagine pas un monde sans art. Comment sinon refléter et traduire la beauté, la douceur, la sauvagerie et l’absurdité des mondes d’hier et d’aujourd’hui ? Écrire sur l’art est pour lui un plaisir autant qu’une nécessité. Journaliste indépendant, passionné et curieux de toutes les métamorphoses artistiques, il collabore également à Bruzz et COLLECT

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