Ce sont les Archives & Musée de la Littérature, basé à la Bibliothèque Royale, qui ont monté l’exposition “Les lettres du désir” à voir actuellement à la Bibliotheca Wittockiana. Lettres, notes, manuscrits et oeuvres d’art s’y rassemblent pour révéler les dessous de la création littéraire en Belgique francophone et ses liens intimes avec la vie et les amours de chaque auteur.
Une exposition sous le thème du désir, pas de manière voyeuriste ou anecdotique, mais comme une porte d’accès aux méandres du proccessus de création. Ainsi, Le peintre Christain Dotremont dont les logogrammes à Gloria sont autant de lettres d’amour., une transposition formelle et neuve de ses émotions. Ainsi la correspondance amoureuse entre Edmond Picard (avocat et écrivain, 1836-1924) et son amie Judith Cladel, avec les lettres sages, qui ont été conservées, et les plus voluptueuses, qui ont été recopiées par Judith dans un carnet, puis détruites.
Ainsi, de sublimes portraits au trait à l’encre noire de Dominique Rolin par son premier mari, la première édition de son livre “Le Lit”, qui raconte les derniers jours de son époux malade. Une lettre de Philippe Sollers à Dominique Rolin, dans laquelle on sent les prémices de leur longue histoire d’amour. Une lettre de Rik Wouters à Nel, sa future femme, ainsi qu’un carnet de croquis dans laquelle celle-ci dessine son amoureux. Marie Gevers a 21 ans quand elle rencontre, en 1904, Frans Willems. Après leur mariage, ils s’installent à Missembourg où ils élèvent leurs trois enfants. Elle continue son oeuvre littéraire, il peint et pratique la musique. Séparés pendant la première guerre mondiale, ils échangent une longue correspondance amoureuse sur les cartes fournies par les postes allemandes.... et qu’on peut décourvir ici.
Mais encore, la correspondance entre Maurice Maeterlinck et l’actrice Georgette Leblanc, des photos, des programmes, coupures de presse... A côté de la réserve précieuse, dans un cabinet tendu de noir, des oeuvres de Marcel Marïen, dont ce profil de femme, découpé en creux d’un profil d’homme : “Femme blanche ouverte aux rêves” et de belles lithos surréalistes de Auguste Mambour.
C’est éminement émouvant de se pencher sur les vitrines et d’y découvrir des trésors intimes, sensuels voire sulfureux, échanges épistolaires, lettres et notes.... s’y trace une vérité du processus de création : qu’il soit amoureux ou pas, il n’y a pas de création sans désir. Et ce désir emmène le créateur vers son support : la page blanche, la toile, la scène de théatre, pour y décrire les sentiments qui le traversent mais aussi, tout simplement transmettre une force et une joie de vivre décuplée – ou une tristesse et une solitude, nés des sentiments vécus dans l’intimité de leur présent.
Les lettres de désir
Bibliotheca Wittockiana
Bruxelles
Paru en 2012 dans L'Echo