Immanquable exposition Vivian Maier à Paris

Charline Cauchie
08 décembre 2021

Photographe de rue franco-américaine décédée dans l’anonymat le plus total en 2009, Vivian Maier connaît depuis quelques années un succès international. C’est au tour du Musée du Luxembourg à Paris d’accueillir jusqu’à janvier une très belle exposition de ses photographies noir et blanc, mais aussi couleur, de ses films et même de son travail audio.

Toute cette histoire commence avec un certain John Maloof, agent immobilier de Chicago, qui acquiert en 2007 plusieurs cartons de films et négatifs lors d’une vente aux enchères. Il y cherchait des clichés de son quartier, il tombe par hasard sur ce qui deviendra une des collections de street photography les plus incroyables jamais rassemblées. Il lui faudra deux ans pour identifier l’autrice de ces milliers de négatifs qu’il continuera de racheter : Vivian Maier, née en 1926, nanny de profession et... qui vient de mourir.

Sur ses autoportraits, réalisés par centaines, la photographe slash gouvernante d’enfants a souvent le visage fermé. Il y a quelque chose de grave dans l’image noir et blanc capturée par son Rolleiflex. Qui est-elle ?, deviendra la question de centaines de curieuses et curieux qui la découvriront à Chicago où, en amateur, John Maloof monte la première exposition consacrée à Maier. C’est le début de l’embrasement à la fois public, médiatique et critique nourri par un documentaire très hollywoodien et néanmoins réussi que Maloof réalise avec Charlie Siskel. Finding Vivian Maier sort en 2013 et remporte de nombreux prix. À celles et ceux qui l’ont vu, il rappellera peut-être un autre documentaire autour d’une autre personnalité anonyme recelant un talent artistique époustouflant, celle de Sugar man. Sauf qu’à la différence de Sixto Rodriguez, Vivian Maier ne connaîtra absolument aucune gloire de son vivant. Ce qui fera dire à l’écrivaine Gaëlle Josse que le succès aujourd’hui planétaire de Maier est aussi éclatant que sa vie a été obscure. Et de son visage figé dans le miroir noir et blanc d’une de ses photographies en autoportrait : "Une vérité qui se dérobe". Quant à la commissaire Anne Morin, elle évoque le “devoir de mémoire” pour qualifier son travail autour de cette deuxième rétrospective qu’elle consacre à Vivian Maier et présentée au Musée du Luxembourg à Paris.

On y découvre l’Amérique des années 1950 qui tourne la page de la Seconde Guerre mondiale, les quartiers populaires et métissés de New York, la pauvreté, la violence, la beauté infinie de ces vies minuscules. On est ému par les histoires qui se dessinent derrière chaque œuvre de cette autodidacte de la photographie de rue, par la manière d’approcher ses sujets, une manière à la fois pudique et envahissante, terriblement juste, qui saisit une émotion profonde et rend très intense l’image. Vivian Maier égale tout à fait le talent d’une Diane Arbus ou d’un Henri Cartier-Bresson à qui elle est souvent comparée. Elle avait le regard et le talent d’une grande reporter, le sens de l’image et de la composition d’une artiste visuelle de haut vol. On estime à 140 000 le nombre de ses clichés et films. Une œuvre colossale qu’elle a construite sur plusieurs dizaines d’années, dans différents pays, en noir et blanc, ensuite en couleur et en vidéo. Dans l’exposition, on découvre même qu’elle a laissé des enregistrements audio, véritables interviews journalistiques de ses modèles. Certainement pas un hobby ou un geste accompli à la légère, comme certains critiques ne lui reconnaissant pas le statut de photographe l’affirment. Car Vivian Maier se savait et se disait très douée. Dans son livre qui paraît ces jours-ci en français Vivian Maier révélée, la biographe américaine Ann Marks, qui a consacré six années à enquêter sur elle, apporte des réponses à cette question qui taraude tant de monde : pourquoi Maier n’a-t-elle jamais partagé ses photographies ? En fait, elle a essayé. Mais la femme pauvre, sans formation officielle ni réseau ni mentor qu’elle était n’est jamais parvenue à vendre le moindre cliché. Une histoire à la Van Gogh, une histoire de génie.
 

Vivian Maier
Musée du Luxembourg
Paris
Jusqu'au 16 janvier 2022 
www.museeduluxembourg.fr

Charline Cauchie

Journaliste

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