Hangar poursuit son exploration de l’intime avec Regarde mon histoire / Kijk naar mijn verhaal, une exposition collective qui invite photographes, tous issus d’écoles belges, à se raconter en images. Entre autobiographie, récits intimes et poésie de la vie quotidienne, ils jouent leurs gammes dans des registres différents, en prenant pour point de départ le travail de la photographe Véronique Elléna.
Le regard de Véronique Elléna (1966), photographe française formée à l’ENSAV La Cambre, sert de point de départ et de pierre angulaire à Regarde mon histoire. L’écosystème artistique belge, a d’ailleurs fortement contribué à la construction de son esthétique. A l’occasion d’une véritable rétrospective, Hangar regroupe pour la première fois une dizaine de ses séries, shootées à Bruxelles et ailleurs.
Des Supermarchés aux Dimanches en passant par les Grands moments de la vie, les premières séries de Véronique Elléna sont de véritables scènes de genre qui transpirent les années 1990 et leur vibe colorée. Il suffit de les parcourir des yeux pour que la petite musique du quotidien résonne à nos oreilles. C’est une ado face à sa chaine hi-fi dans chaos pop d’une chambre tapissée de posters, la nostalgie sucrée des bananes au nutella ou la pièce d’un franc sous l’oreiller, allègrement découverte par un enfant au sourire troué. Presque picturales, ses compositions assument une mise en scène étudiée, un faux sur le vif qui recompose la banalité du quotidien et lui donne une singularité inégalée.
Dans les étages, huit photographes se partagent les cimaises et déclinent leur univers variés. Leur point commun ? Être issus d’écoles belges et prendre la rugosité du quotidien à bras le corps.
Le travail de la jeune Elise Corten distille une douce poésie. Comme un journal intime, ses instantanés en clair-obscur déclinent les nuances de sa relation avec sa mère. Tout en pudeur, cette série de portraits, très personnelle et pourtant universelle, sacre le talent de l’ancienne élève de Saint-Luc. Elle fait joliment écho à la très tellurique série Motherhood, de France Dubois qui parcourt elle aussi le territoire de l’intime avec délicatesse.
A leurs côtés, l’intensité des photos de Vincen Beeckman ne laisse pas indifférent. La série Claude et Lilly, tragédie amoureuse des temps modernes se parcourt avec frénésie. Elle capture la destinée cabossée de deux sans-abris, amoureux transis de la gare du Midi. Déjà remarqué début 2021 pour son travail artistico-sociologique à l’Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, Beeckman excelle une fois encore dans mise en lumière de « ceux que l’on voit mais que l’on ne regarde pas ».
Collants résille, clope au bec et maquillage tapageur, les nanas d’Antoine Grenez bousculent le white cube avec leur dégaine un peu punk. Inspiré par le monde du clubbing et ses oiseaux de nuit, le bruxellois par ailleurs photographe à Vice Belgique et directeur artistique du collectif Chanoirs, séduit avec ses photographic parties inspirées par le monde de la mode. Du sol au plafond il affirme un esthétique plus radicale où la photo se mêle aux mots. Avec la même fulgurance, le duo formé par Téo Becher et Solal Israel revient sur la saisissante histoire d’un groupe de foudroyés. Un beau projet aux confins du documentaire et de l’expérimental, mêlant le son, la vidéo et la photo argentique.
En brassant le travail d'artistes belges, Hangar propose un cru local très inspirant. Regarde mon histoire, dresse une cartographie des talents d’aujourd’hui et permet de saisir le dynamisme de la scène bruxelloise. Elle donne aussi un bel indice sur la qualité des écoles d’art belges qui ne cessent d’aiguisent les regards pour mieux propager de belles histoires…
Regarde mon histoire / Kijk naar mijn verhaal
Hangar Photo Art Center
18 place du Châtelain
1050 Ixelles
Jusqu'au 17 juillet
Du mardi au samedi de 12h à 18h
https://www.hangar.art/
Journaliste
Historienne de l’art avec un goût prononcé pour l’art contemporain, Mylène Mistre-Schaal est collaboratrice régulière pour le magazine culturel Novo. Elle écrit également pour le city-magazine français ZUT et pour la revue Hermès. Co-autrice du livre L’Emprise des Sens aux éditions Hazan, elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports sans cesse renouvelés entre l’art et les cinq sens.
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